vendredi 16 février 2024

Sources et Mers

  
SOURCES ET MERS
 

* N'envahis pas Dieu. Laisse toi envahir par Lui *



* La parole de l' Homme se transfère par mots, la parole de Dieu par ondes *



* La création est la naissance d'une œuvre à travers la renaissance de l'artiste *



* La solitude est comparable à une mer qui déferle sur les rivages de la multitude *



* L'invisible aspire à être visible,l e visible à être invisible. La Création ne peut pas ne pas manifester progressivement le Divin et c'est sa principale joie d'être *



* La sagesse de l' Homme éclaire, la sagesse de Dieu illumine *



* Dieu est omniscient, mais il l'ignore *



* Boire est une action, un geste plus noble que manger. Aussi ceux qui sont assoiffés de vérité seront-ils plus vite servis que ceux qui en sont affamés *



* L'univers ne se révèle qu'à celui qui soit universel *



* Dieu n'est point pieux *



* Être est synonyme de conscience, synonyme de félicité. C'est pourquoi la souffrance, source antique de la connaissance, sera progressivement abolie et remplacée par la félicité. Le Christ ne souffrira plus sur la croix *



* La vie absorbe la mort, la mort résorbe la vie *



* Dieu habite les cimes. Pourtant Il est descendu jusqu'au fin fond de 1' abîme, dans le cœur de la montagne afin que tout demeure sur ses cimes *



* La création n'est-elle pas la joie du Divin de se re-dé-couvrir? *



* L'échec est le pionnier de la victoire *



* Pour s'abolir entièrement dans le Divin, il ne faut pas seulement se faire vide, mais aussi se faire abîme *



* Quelle importance que je sois lu ? L' important est que je suis lisible*



* On ne peut prouver Dieu parce qu' Il est irréfutable *



* Dieu est l'ancre, le Divin le navire, le Suprême la mer insondable *



* Plus haut on monte, plus bas on descend, finalement le bas rejoint le haut, le haut regagne le bas, la profondeur culmine *



* L'univers est la terre de notre ciel, la source de notre mer *



* Le corps dans sa plus haute signification est un calice débordant l'univers de joie et de lumière *



* Chacun est fille ou fils de Dieu. Le Christ en était bien conscient *



* Le cosmos se métamorphose irrésistiblement vers l'Épiphanie suprême *



* L'indicible sera le dernier mot *



* L'Amour est la puissance la plus redoutable. Il a crée le monde par amour pour l'anéantir par amour *



* La destination de l' Homme est solaire *



* Lorsque chaque Homme sera son propre guide et son propre Dieu, o sachons que la volonté divine est accomplie *



* Le but est le chemin *



* Pourquoi aimons-nous mieux le blanc que le noir ? C'est parce que nous préférons être aveugle devant le visible plutôt que devant l'invisible*



* L'art est avant tout un rituel magique que relie l'homme à la divinité *



* L'atome est universel *



* La mer respire le ciel, aspire la terre *



*Comment l' Homme peut-il connaître le Divin si ce n'est qu'en s'identifiant à Lui ? *



* Le pain est cor-rompu.Il faut le briser à nouveau *



* Tout fut né dans la lumière, la joie et l'amour. Tout retournera forcément à la lumière, à la joie et à l'amour *



* Devenir être, être devenir ! *



* Le Nouveau est la proue de l'inconnu qui fend les mers de l'Ancien *



* Le printemps déploie ses ailes, l'été prend son vol, l'automne s'envole, l'hiver replie ses ailes, mais l'oiseau demeure *



* Même la plus belle signature dépare le tableau *



* Dieu et à la fois tout et rien *



* A n'égale pas A. A tend vers le A. *



* La mission innée de l' Homme est d'être originel, d'être à la fois source et mer *



* Rien n'est en dehors de quelque chose, tout est en dedans. Comment trouver la vérité de toute chose si ce n'est qu'en nous? *



* Le cœur illuminé bat dans toutes les galaxies *



* L'univers est une parturiente perpétuelle *  



* Avant le cosmos fut le chaos, avant le chaos fut l'éos *



* L'univers est en même temps transcendant, immanent et permanent *



* La sexualité est l'image inversée de la novalité. Pourquoi faire un enfant si l'on peut le devenir ? *



* Le chemin le plus court et le plus sur menant à Dieu est l'abandon total et inconditionnel en Dieu *



* La nudité est le début de la vie spirituelle. L'ascétisme n'en est que le squelette *



* La nature est à la fois le miroir de Dieu et de l' Homme qui s'y reflètent et s'y contemplent *



* L'humilité est le pain puissant des anges *

* éo - oro - agni *



* Il n'est pas de science sans expérience, ni de connaissance sans renaissance, ni de sagesse sans allégresse *



* Le temple sera le temps *



* L' Homme est guidé par les étoiles, le sage les interprète, l'ange les allume, Dieu les consume *



* L'art ne rendra pas seulement visible l'invisible, mais plus encore invisible le visible *



* Entre la mort inassouvie et la vie insatiable pointe l'amour incommensurable *



* Pour connaître, sois ! Pour savoir, explore ! Pour devenir, exulte ! Pour marcher, transforme ! *



* Il n'est pas d'objets. Tout est sujet. *



* Le centre est partout *



* L' ami montre nos qualités, l'adversaire nos défauts *



* L'amor - la mort. Les étoiles mortes se consument par amour *



* Accomplis ce qui est accompli *



* Les croyants sont aussi pauvres que les non croyants. Ils ne savant rien de Dieu *



* Dieu n'a-t-il pas fait chuter Adam et sa création pour les élever plus haut encore ? *



$* Ne rejette rien. Transforme ! *



* La fleur se tend vers le Divin jusqu'à ce qu'Il prenne entièrement possession d'elle. L'éclosion *



* Il n'y a pas de maîtres. Il n'est que le Divin *



* Les mots sont vaines. Chantons ! *



* Cherche la libération, mais trouve aussi l'accomplissement *



* Les Dieux sont d'une richesse inépuisable, d'une pauvreté sans fin aussi * 

* C'est la joie qui fait bondir le dauphin, c' est la joie fera éclater tout ce monde *



* Le Divin ne choisit pas, Il prend *



* Les enfants grandissent tandis que les adultes vieillissent *



* L'art commence à naître là où l'artiste cesse d'être *



* La plupart des êtres humains travaillent pour oublier alors que le vrai travail consiste à se souvenir 

*

Le Divin - une aube sans fin *



*L'avenir est boréal *



*La confusion actuelle résulte du fait que la terre se prépare à recevoir le Nouveau tandis que l' Homme s'applique à perfectionner l' ancien *



* Les poètes ne meurent plus.Ils étouffent *



* Univers - TOUS UNI S VERS LE SUPRÊME *



* Quand on ne sait rien, on peut apprendre. Quand on ne peut plus rien, on peut s'offrir. Quand on n'a vraiment rien, on peut prétendre. Quand on n'est absolument rien, on peut enfin devenir *



* Trop vrai ou presque vrai - les nouveaux vieux mensonges *



* Le Divin n'est point une croyance. Il est toute certitude *



* L' Alpha a engendré Oméga. D'Oméga naîtra Alpha *



* La création est la projection du centre vers la circonférence *



* La nature inférieure agit mécaniquement. La nature supérieure agit spontanément *



* L'Au-Délà est ici ou nulle part ailleurs *

* Discussion = prise d'égos, chorale = communion d'âmes *



* Quand l'œil extérieur et l'œil intérieur font un, la vision est totale*

* Dieu en cache un autre *



* Je suis, donc je ne pense plus *



* Si l' Homme continue à polluer l'eau, l'eau ne pourra plus le purifier *



* La maladie est une mauvaise santé, comme la bonne santé est une maladie fragile *



* Lorsque l'atome dévoilera son ultime mystère, l'univers le manifestera tout entier *



* Enseignement scolaire - enseignement solaire. De la psychologie pédagogique à la découverte croissante de l'être psychique, il y aura encore beaucoup d'élèves phtisiques *



* La femme n'est pas le contraire de l'Homme, elle est son accomplissement *



* La violence peut certes casser les pierres et renverser les murs, mais il n'y a que la douceur qui puisse les réduire en poussière *



* Eve élève Adam vers les hauteurs, Adam l'enlève vers les profondeurs * 

* Le sexe est le fruit de l’amour, mais pas son noyau.

 
 


mardi 20 septembre 2022

shiva-shakti

Der Schöpfer lacht, o weiter Fluss,
im Auf-und Niedergang der Wellen,
nicht kennend Müdigkeit, Verdruss,
schöpft er am Ueberfluss der Quellen.

Die Schlangenkraft, die ewig zeugt und schafft,
mit Blut und Milch nährt dies' atemlose Spiel;
in riesigen Gebärden hebt sie, Vollstreckerin, die Schöpferkraft
in das urvertraute, nur von ihr geschaute Ziel.

Zu sein wie Er, der in ihren Lotosbeeten,
zugleich ihr Meister ist und ihr ew'ger Spielgefährte,
zu dem die flammenden Sterne mit Feuer und Inbrunst beten,
auf dass er, Unsichtbarer, einmal sichtbar werde.

Zu sein wie Du, o Göttliches im Werden,
zu sein, was war und noch nicht ist, schon immerdar,
als weiter Fluss in deinen ewigen Meeren zu sterben,
wird das Leben in jedem Herzschlag seiner Urquelle gewahr.

 

Gedichtband H




Alchemie der Dichtung

Wie leuchtend ist die Urnächtnis ! 

Du bist das große, ungeborene Licht. 

Gewiß !

Wie prächtig geht die blaue Stunde unter ! 

Leere dein Gefäß in die dunkelnde Welt. 

Nur munter !

Wie sanft entschlummert die grüne Erde ! 

Wache über den Stachel im knospenden Herzen. 

Entwerde !

Wie fließt der Silbermond so helle ! 

Leere die Welt in dein funkelndes Gefäß. 

Sei Welle !

Wie urleuchten die weisen Sterne ! 

Verjünge im Uralten dich.

Nah ist die Ferne !

Wie wogt das Flammenmeer des Morgenrots ! 

Geboren wird ein neuer Stern.

Gelob's !

Wie herrlich bricht die güldene Sonne auf. 

Zum Abgrundtiefen schwinge dich hinab. 

Hinauf! 


An den Erleser

Erwache, o mondene Seele, 

du knospendes Werden im blühenden Sein,

erwache, du Traumgezierde, 

Spiegel der Erde, himmelhinein.

Silbernächte, purpurne Sonnen, 

goldene Regen erströmen dich,

Sterne erfunkeln im tiefsten Dunkeln, 

wissende Boten des Lichts.

Erwache, o schlummernde Seele, 

du rosende Knospe im blumigen Dome des Seins,

flügelentfaltend zur verschmelzenden Sonne, 

Himmel und Erde sind eins. 


BETRACHTUNG

Schau in den See, der stillgeworden. Was siehst du ?

Mein Spiegelbild.

Schau hindurch.

Was siehst du ?

Eine Puppe, die lächelt.

Schau hindurch. Was siehst du ?

Ein Auge.Unendlich.

Schau hindurch. Was siehst du ? Einen Strahl.Golden.

Schau hindurch.

Was siehst du ?

Eine Muschel, die halbgeöffnet.

Schau hindurch.

Was siehst du ?

Eine Perle.Weißglänzend. Schau hindurch.

Was siehst du ?

Mein Spiegelbild !

Was siehst du ?

Eine Seerose auf dem See, der stillgeworden. Erkenne dich nun.  

 

INRI

Über Feuerbogen wandelst unbegreiflich du, o Jesu.

Deine glänzende Woge suchte vergeblich kostbar' Land, o Jesu.

Durch die Sterne strömt dein heißes Blut, da kein Becher sich fand, o Jesu.

Dein Sonnenwort hat uns verletzt, verbrannt, o Jesu.

Kreuziget ihn !                                                                                                                       

 

MATERNOSTER

Mutter unsere, 

die du bist in der Erde, 

gepriesen sei dein Name, 

dein Reichtum verschwende, 

deine Flamme brenne wie in der Sonne, 

also auch im Herzen der Erde.

Unseren täglichen Wein verschenk uns heute 

und gib uns wieder unsere Unschuld, 

auf daß wir Kinder werden 

n den Armen deiner weiten Schöpfung. 

Und führe uns nicht in die Finsternis, 

sondern leuchte uns zu deinen Sternen, 

denn dein ist die Gnade, 

die Süße und die Seligkeit.

In Ewigkeit. 

 

GESANG

Liebe ist ein großes Zeichen am Himmel.

Die Sterne sagen es besonders, 

geheim wie sie sind, 

und wenn der Tag die Nacht verführt, 

ist der Himmel nur so von Geheimnissen übersät. 

Ihr Leuchten sagt es, 

ihr Funkeln süßt es 

und wir, die so zaghaft deuten, 

sehen sie nur wandern in goldenen Bahnen, 

und unsere Augen werden irr.

Sterne, wundersam, 

zehren sich auf im eigenen Licht 

und folgen Rufen über lautlosen Meeren, 

bis sie von unsichtbarer Hand gelöst 

zurück in ihre Heimat fallen.

Noch einmal küßt dann ihr Schweif die Erde, 

und ihre letzte Botschaft heißt Flamme, 

denn Sterne sind schon lange tot 

und leuchten nur aus Liebe.

Überall auf Erden grenzt Liebe an Wunder ! 

Und seht,

schon wenn zwei Liebende sich küssen 

und den Raum erschließen, 

der sie immerfort trennte, 

ist's für uns unfaßlich, 

denn Liebe ist ewig 

und hier auf Erden nur ein kurzer Gast.

Doch lange Glück schenkte sie denen, 

die kein Unnütz aus ihr machten 

und nie gewillt waren, 

sie zu fesseln im andern. 

Denn Liebe ist auch frei, 

und Freies gedeiht nur, 

wenn es behütet wird von sanften Händen, 

wie Blumen von Sonne und Wind.

Dann kommt auch bald der Regen 

und schenkt heiliges Wasser den Blüten. 

 

EPIPHANIEN

Verschneit ist die Sonne. Wie Feuer knistert der Schnee.

Finster ist das Kleid der Amsel. Doch der Schnabel und das Schwänzlein leuchten.

O hoch oben die weiten Sterne. Eiszapfende Ferne.

Stille zieht wie ein schwarzer Panther durch die weiße Wüste.

Schneegeflocke in der Abendglocke. Kristallenes Geläut.

O dreifache Wonne ! Die Erde schmolz in der Sonne. 

 

DIANE

Alle Tiere lieben dich.

Sogar die Schlange schleckt nach dir die Zunge 

und spricht dir lautere Wahrheiten zu.

Der Tiger hat schon lange seine Wildheit verloren, 

liegt nun vor dir wie ein treuer Hund.

Blumen blühen dir zur Freude, 

Bäume umschatten dich, 

alles neigt sich zu dir 

und lauscht deinen süßen, geheimen Worten.

O reiner Quell zu deinen Füßen!

Doch du streichelst so seltsam 

das Fell des göttlichen Tigers 

und blickst schweigsam, vielmehr wachsam 

zu den grauen Städten hinüber, 

wo schwarze, unheilvolle Wolken qualmen, 

spannst die Sehne deines weiten Bogens, 

bis sie plötzlich reißt 

und beginnst leise, 

kaum hörbar zu weinen.

O Diane, 

du unschuldiger Engel, 

auch du kennst Tod und Feinde ? 

 

LICHT

Licht :

eine Wundertüte voll Blütenstaub im Schulranzen des Knaben Novalis.

Licht :

die heiße Fontäne einer blonden Trompete, zerstrahlend, zersprühend im Schweiße des Angesichts.

Licht :

das Erwachen besternter Frühlingsblumen, aufblühend, aufflatternd im zartesten Négligé.

Licht :

die verschütteten Perlen eines hellauflachenden Kindes, 

übersprudelnd, überschäumend vor immer heller wallendem Licht ! 

 

MORGENS

Ein erster Strahl pfeilt in den jäherblauten Morgen. 

Durchdringt in funkelnden Blitzen sein stählernes Gewand.

Schäfchenwölkchen schaukeln gen Osten rosig geküßt. 

Erblühen unsichtbar.Erlöschen.

Kein Atem steigt. Kein Wind weht.

Tausende, abertausende Augen sich öffnen.

Süße Stimmen anheben.

Gesang der erwachten Vogelwelt.

Engel schweben voran.

Breiten die Arme dem Gott aus tausend Meeren. 

Blonden Trompeten 

Und plötzlich stürzt ein goldener Strom den Berg hinab, 

die Erde bebt, die Erde lacht, 

taufunkelnd ersprüht die erleuchtete Welt 

und dromt und omt und trillt :

"Von blankem Licht erfüllt, 

die Seele tausend Schauder fühlt !

Gegrüßt seist du, o Sonne, 

du güldene wunderbare Sonne, 

du unser aller Leben, 

du unser aller Wonne, 

du unser erster Tag !

Gegrüßt seist du, o Sonne, 

uns wie am ersten Tag !" 

 

ABENDS

Wie die Bäume brennen!

Meterhohe Flammen schlagen sie in den diamantenen Himmel 

und bald sind sie nur noch ein bißchen Asche 

und ein bißchen Glut und dann der Nacht geweiht !

Zulange hat mein Unstern an ihrer Pforte gekämpft, 

zulange habe ich ihre Felsenfestung bestürmt 

und versuche nun, die lästigen Fliegen abzuschütteln, 

doch sie weichen nicht !

Tauche ich noch einmal in mich hinein 

und dann ADE !

Und SESAM öffnet sich 

die t a u s e n d u n d z w e i te NACHT !!! 

 

TRÄUMEREI

Der Weiher, die Nebel, 

das kleine Boot, das in die Wolken sinkt, 

der süße Laut,der Schnabel, 

der alles in sich trinkt.

 

Die Birken, der Hollunder, 

das sanfte Licht, das durch die Blätter bricht, 

der schmale Steg,der Bruder, 

bis dieses Bild erlischt.

 

ABEND AM MEER

Langsam taucht die Sonne 

ihr Antlitz in das Meer, 

weithin scheint ein großer Frieden, 

ein Schiff zieht stolz daher.

 

Zitternd neigt sich die Welle, 

am Ufer steigt ein Baum, 

Möwen gleiten golden 

durch den weiten, lichterfüllten Raum.

 

DÖBLINER ABEND

Am Abend, 

wenn der Tag verblaut, 

tritt ein Fernes in die Welt 

und umranket sanft das Herz.

 

Stillächelndes Antlitz. 

Das Marienbild. 

Sterne und Kerzen 

entzünden sich. 

 

BEUNRUHIGENDES AUS DER PFLANZENUNDTIERWELT

DIE ROSE :

Meine Wahrheit hat Dornen.

Deshalb wage keiner mich zu pflücken. 

An meinem Dolch zittert die Perle, 

und mein Duft besiegelt den Traum.

DER BAUM :

Kommt zu mir, ihr Einsamen !

Ich beuge mich über eure Last 

und sänftige euch das grausame Licht. 

Doch kommt im Winter nicht!

DAS VEILCHEN :


Immer ist der Himmel grau 

über mir und auf deinem Weg. 

So traurig wächst mein Blatt. 

Ich schlage dir das Auge blau !

DER WALD :

Durchforsche mich ! Verirre dich ! 

Ich erfülle alle deine Träume, 

doch verrat' ich schon, mein Freund, 

auch im Wald findest du nur Bäume ! 

DIE SEEROSE :

Was schaust du in den blinden Teich ?

Suchst du den Grund ? Suchst du dein Bild ?

Sieh mich an ! Nur ich mach' dich reich !

Und wenn der Nebel kommt, ist dein Herz gestillt.

DER ADLER :


O Tiere, Brüder, meine Kameraden, 

wir wollen keine Tränen mehr vergießen ! 

Es ist höchste Zeit, den König zu begraben 

und die Augen und Ohren zu schließen ! 

 

GESANG II

Das sanfte, liebe Licht erlischt 

hinüber zu anderen Weisen, 

trunkenen Liedes, voll des ewigen Glücks 

leuchtender Sterne, o aller Licht !

Jedoch ein Goldenes scheint zu bleiben 

in dem blonden Haar des Knaben, 

der zu Amseln wie zu Engeln spricht, 

versunken in Bäumen, 

die des Lichtes träumen, 

dunkel und klar.

Dann färbt ein Rot den Himmel tot, 

Blut im Haar des Kindes, 

Tod im Haar des Kindes, 

alte Weiber greinen.

Doch sieh, es kommt der Abendstern, 

und sprachlos wird es weichen ! 

 

GESANG III

Der Hirten Ruf verhallt 

auf den verblauten Höhn, 

ein Reh springt durch den Wald, 

die Sterne wissen's schon.

 

Am Berge hin sanken die Greise, 

ihr schütteres Haar zu der Asche gelegt, 

nun ist es tiefe Nacht 

und nichts mehr, das sich regt.

 

Nur noch ein Nachen steigt 

aus der leeren Hand der Fee 

und webt seinen Silberglanz 

in diesen schlummernden See. 

 

DIE TOTE

Wer ist das nackte Weib, das vor mir tänzelt,

als kämpfte es mit einer Feuersbrunst, 

gleich einer Ketzerin, die das Volk hänselt 

und schließlich auf dem Pranger enden muß.

 

Sie sieht mich an mit irren Augen 

und ihre bleiche Hand streckt sie hilfflehend aus, 

der Pöbel reißt und zerrt an ihren aufgelösten Haaren 

und kreischt dem buckligen Henker Applaus.

 

Willst du, daß ich dich aus deiner Not errette, 

oder war ich es, der dich verriet und fangen ließ ? 

Bist du vielleicht, daß ich einen Vers ergatte 

oder gar ein schlimmes Luftbild im Verließ ?

 

Du antwortest nicht, lächelst, bist entzückt 

und winkst, als wär's ein letzter Gruß 

und steigst, du Sterbensmatte,in dein Reich zurück, 

aus dem dein letzter Atem stieß. 

 

 

Der Fremde

Es ist ein Reh, das aus den Wäldern tritt, 

ganz überhäuft von Blütenstaub.

Und geht dir nach, o Fremder !

Es ist ein Vogel, der auf seinem zerstörten Nest 

so süße Lieder zum Erklingen bringt.

Zum Heile dir, o Fremder !

Es ist ein Hund, der in der Straße bellt, 

da seine Hütte wie verzaubert ward.

So strahlend ist der Fremde !

Es ist ein Haus, das sich golden aufbäumt, 

die Tür aufsprengt zu Brot und Wein.

Hier trete ein, o Fremder !

Es ist eine Glocke, die der Ferne entsteigt 

und schwillt und will, 

daß immer diese Stunde sei. 

Du aber sei, o Fremder !

Es ist die Stunde, da er erscheint, 

bald unsichtbar und dunkel, 

dann bald glühend und rein 

und reißt am Ende seines niegewesenen Weges 

die ganze Schöpfung in sein riesenhaftes Herz hinein.

 

 

DIE NYX

In ihren wildverzweigten Haaren hängen Sterne, 

als wäre Schnee in sie gefallen, 

und wenn sie weissagt, fallen Sterne 

auf die Erde in den dunklen Rachen.

Ihre Augen sanft und hell und klar 

sind wie zwei singende Monde, 

die ihr Spiegelbild am Himmel fanden 

und nun einander trinken, 

zwei Schwanenmonde. 

Tollkirschblütenweiße Wangen prangen 

über ihren reifen, früchteschweren Lippen, 

und wenn sie leise betet, 

huschen kleine, gelbe Flammen 

gerade über diese ungeküßten Lippen ! 

 

DIE NATUR

Die Erde bebt unheimlich.

Gräser zittern, Berge splittern, 

Blumen neigen sich im unstillbaren Drang zur Sonnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnne! 

Einsamen Wanderer am Fluß wird bang.

Fische küssen Wasser, Wasser küssen Steine, 

er zertritt sie mit seinem Beine, 

schon am anderen Ufer wird ihm verziehn. 

Immer lauter, Schauder im Zauber, 

in den hohen Lüften flüstert ein Rufer, 

die Winde haben es in sein Ohr geschrien: 

"Alles, was lebt, ist hhhhhhhhhhhhhhhhheilig !!!"

 

UHRIG

Alles schweigt.

Still steht die Zeit.

Nur der goldene Zeiger steigt 

in langsamer Gelassenheit 

in die überschwellende Zeitlosigkeit 

seit Uruhrewigkeit. 

 

WEHIG

Wie weiß ist der Winter ?, 

fragte erstaunt der Schneekristall. 

So viel du weißt, so weiß ist auch der Winter,

antwortete ihm noch viel erstaunter das winterliche Weltenall.

 

WINTERLICH

Die Bäume stehen starr und kalt. 

Weiße Vögel legten ihr Gefieder 

auf den einsam stummen Wald.

 

Gefroren ist der See, das Land.

O Bruder, kalte Küsse schneien wieder

durch den Schleier in die Hand ! 

 

DIESER TAG

Wie dieser Tag zerrinnt in meinen Händen, 

so wie der Mond nun tritt in mein Gesicht, 

die Welle bebt, die Welle schweigt, 

den Mond jedoch erreicht sie nicht.

Wohin dann zieht dieser endlose Strom ? 

Wohl treibt es ihn in die Nacht hinaus,

 ach, sternenfunkelnd um den Lampion 

den Schlangenpfad durch daseinsloses Herz.

Was schwer war, hat nun kein Gewicht, 

alles fließt verzaubert mit ihm fort, 

wie dies' Gedicht.

Wie dieser Tag zerrinnt in meinen Händen 

und will nicht, noch nirgendwo enden. 

 

ROMANTIK

Ein Stern entflammt in tiefster Nacht, 

verhüllt in sich, in seiner Pracht,

sein Augen glänzt, im Spiegel perlt der Tau, 

das süße Rosenbild, o heilige Frau !

 

Ein Stern entflammt in tiefster Nacht, 

verklärt in sich, in seiner Pracht,

sein Auge glänzt, im Spiegel rollt der Tau, 

das süße Blumenbild blüht auf, o unsere Frau !

 

Ein Stern erlischt in tiefster Nacht, 

verhüllt in sich die süße Fracht,

sein Auge bricht, im Spiegel sinkt der Tau, 

das Rosenblumenbild entglitt, o meine süße Frau ! 

 

GEVIERTEILTER KÜNSTLER

MUSIKER :

Frühlingswind. Rauschen Bäche.

Ströme in die Sehnsucht hinaus. 

Trommeln, Kobra, Tanz der Elefanten. 

Grünende, blühende Fingerspitzen. 

Krokusse schmücken seine grauweiße Stirn.

MALER :


Sommerfrische. 

Lieblich und rund wie ein Sonnentag scheint sein Gesicht. 

Nüchtern bewahrt er den Kern um die heilige Zitrone.

Sonne und Mond sind ihm ein Gestirn.

DICHTER :

Herbstgesang. Goldener Blätter Widerhall. 

Kühles in der Harfe wie hoch oben im Dom.

Frucht, die reif in seinem Munde auf den Herzgrund fällt. 

O Schneewittchen ! 

Verwaist blickt er den Vögeln nach.

BILDHAUER :

Winterberg. Eisiger Marmor, 

an dem sich verjüngt jeder verfallene Stern.

O des Steinbruchs verwegene Leere ! 

Schneemann, von Myriaden Sonnen beschaut. 

 

NACH AUSSEN

Dieser Schritt nach außen, 

wie ein Wild, das aus den Wäldern tritt 

in das Freie, Ungeschützte, 

und nun wachsam um sich blickt. 

Jäher Blütenregen überschüttet, schmücket und umduftet es, 

ein Schritt noch 

leicht und gemein geht es dann nach außen, 

und das Außen geht in es hinein !

 

NACH INNEN

Du zielst Pfeile irgendwohin.

Nichts bringt deine Kraft zurück.

Du ziehst Kreise irgendworum. Alles tritt aus deinem Blick.

Deinen Unmut wirfst du in das Meer, und das Meer fließt in sich zurück.

Dann, in dem Blätterfall jäher Neige, mit einemmal erstarrt dein Fuß zur Säule.

Warmer Strom aus innen sprengt dich in die Höhe wie Fontänen sind.

Geschlossen ist der Sinn.

Dein letzter Pfeil mitten in das Schwarze trifft und zittert vor Freude ! 

 

INDIEN

Du Land des Tigers und des weißen Elefanten 

und vieler bunter kreischender Vögel, 

du Herz und Schoß der Erde, 

woraus alle Sagen und Märchen entspringen

 und münden in den großen Ozean.

Frische, köstliche Quellen, Ströme voll des Lebens 

und Brunnen tief und klar 

ergießen sich aus dir 

und erquicken die Dürstenden und sättigen die Nimmersatten 

in ihren unerschöpflichen Weisheiten.

Du Land dunkeler, sonnengebräunter Menschen, 

die Augen haben wie Diamanten 

und Münder wie der Kelch der Blumen.

O, und wer weiß es schon, 

dort im üppigsten Dschungel, 

wo die Nacht ist so hell wie der Tag, 

wo der Tiger plötzlich blitzt und brüllt, 

und der Elefant die Einsamkeit erleuchtet, 

wird der Mensch nicht von der Schlange, 

sondern die Schlange vom Menschen verführt ! 

 

DSCHUNGELLIED

So üppig wächst hier der Wald, als wäre die Erde Fleisch geworden !

So volle tolle Blüten hier gedeihen und verderben !

So viele wilde Tiere hier, die töten und gebären !

So viele dicke Säfte hier und so viel Pracht im Sterben !

 

So üppig wächst hier der Wald, 

als wäre die Erde Fleisch geworden, 

unterbrochen von dunklen Vogelschreien, 

die die verwilderte Seele durchbohren !

 

DER BAUM IM GARTEN

In meinem Garten steht ein Baum.

Im Frühling trägt er weiße Blätter, die mich verzücken.

Im Sommer trägt er helle Früchte, die mich beglücken.

Im Herbst trägt er goldene Blätter, die mich entrücken.

Und im Winter, wenn ich allein, 

klopft er gegen meine Fenster. 

O Garten in meinem Baum !

 

DER GOLDBESTÄUBTE SCHMETTERLING

Blumen sah ich viele 

und einen goldbestäubten Schmetterling.

Über den wogenden Düften eine leichte Flamme.

DER WEG

Was soll ich tun ? 

Er ruft :

Vergeh !

NÄCHTIG

Ich stand auf der schmalen Brücke 

über dem schwarzen Strom.

Die Fische dröhnten in seinem Wasser !

MITTERNACHT

Wie diese Stunde sich entzückt ! 

Sterne fallen 

und übern Monde gehen Geister. 

WEISHEIT

Verlasse dein Haus 

und deinen Garten. 

Kehre ein in den Palast !

RÄUME


Plötzlich durch die bedrängte Mitte 

stürzt ein Lichtstrahl goldener Schnitte 

ihre Hallen voll.

DIE BLUME


Sieh, 

wie sie blüht 

und ihr Hälschen reckt !

STILLE

Still!

Der silbergraue See.

Die höchste Offenbarung.

EDEN


Schauder 

im Weinstock.

Die rankende Rebe 


HALL


Erwache !

ruft der Specht 

im erblühenden Wald.

ERINNERUNG


Hier saß ich am Ufer 

unter jenem Baum. 

Ohne Traum.

HERBST


Du bist's zufrieden, wunschlos fast 

Ein vergoldetes Blatt 

hat sich auf dein Herz gelegt !

DAS FERNE DU


Denkst du an mich 

brennt plötzlich 

meine Lampe heller ! 

 

PETERCHENS SONNENFAHRT

Als Peterchen einschlief, träumte ihm, 

daß sein Bett,auf dem er lag, zu einer Muschel wurde. 

Und die Muschel trug ihn zu einer allmächtigen Gottheit hinaus, 

zum Meer !

Dunkeldrückend war der Himmel, ùnd alle Tränen, 

die er weinte, waren Perlen.

Und alle Perlen fielen in das wogende Meer.

Ein Blitz und ein gewaltiger Donner 

erschütterten die Erde (und nicht nur die Erde).

Weiße, ständig im Kreise wirbelnde Pferde

 rissen über ihn ein Loch in den finsteren Himmel, 

und ihre federbeschmückten,mit schrecklichem Geheul niederstoßenden Reiter 

schmolzen den goldenen Strand, 

auf dem er in der Riesenmuschel eingebettet lag, 

zu einer goldenen Leiter.

Mit dieser Leiter erklomm er den Mond.

Seltsam ermutigt betrat er die leuchtenden Haine des Mondes 

und Frau Luna, die so wundersam 

die gleichen, vertraulichen Züge seiner verstorbenen Mutter trug, 

schenkte ihm ihren schwerelosen Kahn, damit er das endlose Weltenmeer durchfahren konnte 

und legte einen Silberreif um seine Stirn.

Ihre Schwester Venus küßte ihn auf seine Lippen, 

bis sie erblühten und sagte ihm, daß sie die Ader des Weltalls wäre.

Der gehörnte Merkur schenkte ihm einen elfenbeinernen, reichverzierten Gürtel, 

der ihm die rechte Bahn erlesen sollte.

Mars schenkte ihm sein flammendes Schwert 

und Saturn einen ehernen Ring. 

Uranus schickte ihm Segel und Wind.

Neptun blies zum Aufbruch an.

Jupiter sandte ihm zum Geleit einen riesigen Adler. 

Tausend Meere durchfuhr er.

Bis eines Morgens der Horizont vor seinen Augen erblühte, 

seinen Kahn derart mit Rosen und Lotosblumen beschwerte, 

daß er in den funkelnden Fluten versank.

Drei Engel schlossen die Muschel.

Peterchen erwachte als eine unermeßliche Sonne goldschweißüberströmt ! 


AUS DEM ALPTRAUMBUCH

1.

Wieder hatte der Tiger eine Ziege gerissen.

Große Unruhe im Dorf.

Bald würden es Menschen sein.

Manhru, der als der beste Jäger galt, 

wurde von den Ältesten auserwählt, 

den Tiger zu töten. 

Wie ein Pfeil glitt er durch den dichten Dschungelwald 

hinter der roten Spur des Raubtiers.

Und kehrte nie mehr zurück.

Mitten in das Herz des Tigers hatte er sich gesenkt!

2.

Die Sintflut kommt !

Schon sehe ich die unheilvollen Wolken sich zusammenballen, 

die vierzig Tage Feuerregen niederschütten werden. 

Die ungeheure Woge, die sich über unsere Häupter hinwegstürzt 

mit dem ganzen Unrat der Weltgeschichte und unsere steifen Füße trocken läßt !

3.

O Nacht! Wer kennt deinen Zauber, wer kennt deine Kraft ?

Vollkommen und still und klar bist du der Lohn der Meuchelmörder ! 

4.

Die Mondgöttin sprach :

"In einer milchblauen Nacht bin ich für euch auferstanden 

und erblühte zur grünen Au für eure Liebe.

Meine unzähligen Kühe ließ ich auf ihr weiden, 

um euch mit Honig,Milch und Nektar zu erquicken, 

und jegliche rauhe Zunge leckte euch rein vom irdischen Staub.

Meine Wälder boten euch Schutz und Unterkunft.

Mit ihrem edlen Holz bautet ihr die königlichen Schiffe,

 um zu meinem Gemahl, der euer Vater ist, zu segeln. 

Ich versilberte eure Fahnen und milderte alle Stürme. 

Wir schieden für immer in seligem Frieden.

Nun aber sind meine Nachen leer, 

und ihr überhört meine gefährlichen Träume.

Einsam hänge ich meine Orangen nur noch über die blauen Pyramiden, 

und meine erlöschende Sichel versiegelt den Raum.

5.

Die Jahrhunderte liegen da wie ausgehöhlte Schnecken. 

Hie und da vermeinen wir in ihnen noch einen berauschenden Ton zu entdecken, 

und manchmal erschreckt uns eine wunderbare Gladiole, 

die nirgends erblühen will.

Und ich denke an die maßlosen Pyramiden 

und an das himmlische Ohrgehänge der geheimnisvollen Isis.

Und die verwesenden Pharaonen.

Und die Kronen vergraben wie das Licht im Diamant. 

Und die helle Schar von vertriebenen Engeln.

Und die Kerker voller Sonnen,

 alles, was einmal im Herzen entflammte und ungerühmt verging.

Und du, der an den verwunschenen Schätzen vorbeistrichst 

wie an blutertrunkenen Brunnen 

und die unheilbaren Wunden schlossest wie unerschlossene Blüten und Blumen, 

mußtest weiterblühen und verbluten.

6.

Die Sonne sagte es Merkur, dem Goldeimer, dem Regenbogenmacher, dem Gelehrten, dem Weisheitsspendenden, 

und Merkur sagte es Jupiter, der Orgel, dem Geisterfürst, dem Eingeweihten, dem Beflügelnden, 

und Jupiter sagte es Neptun, dem Muschelhorn, dem Globetrotter, dem Ungeheuren, dem Dröhnenden, 

und Neptun sagte es Uranus, der Trommel, der Geheimniskrämerien, der Gescheiten, der Weissagenden, 

und Uranus sagte es Mars, dem Krieger, dem Muskelmann, dem Gehörnten, dem Streitenden, 

und Mars sagte es Saturn, dem Einsiedler, dem Schweigenden, dem Beschwerenden, dem Befreienden, 

und Saturn sagte es Venus, dem Himmelschlüssel, der Hebamme, der Besternten, der Befruchtenden, 

und Venus sagte es Pluto, dem Totenschädel, dem Höllenfürsten, dem Feuerspeienden, dem Mysterienreichen, 

und Pluto sagte es dem Mond, dem Silberschrein, der Kuhhirtin, der Träumenden, der Priesterin der Nacht, 

und die Mondgöttin sagte es mir, dem Lampion, dem Alpträumer, dem Magier, dem Läutenden, 

und ich läute es dir :

"Ehre den König, den Allvater, die purpurne Wonne, ehre wie oben, so unten die Sonne !"

7.

Horch !

Allüberall der Glocke Ton !

Schmilzst dir das Herz in tönendes Erz. 

Von Berg zu Berg, von Stern zu Stern, 

dringt dieser leuchtende Ton wie ein goldener Strom !

O frohlockende Glocke ! Om ! 

Durchdringe mein Herz ! Om !

Mache mich golden ! Om !

Verwandle in Freude allen Schmerz ! Om! 

 

WEST UND OST

Kristallene Woge, zerschellend am Strand. 

Wogender Kristall, z e r k ö r n e n d zu Sand.


TRAKL

Du nächtliche Seele gefallener Engel, 

Wald im Wald, aufseufzend im Kristall.


GROßSTADT

Blaue Gesichter sind in die Pflaster getreten 

und lächeln weiter noch fort.


FROHSINN

Singend tanzt er die Straße hinunter, 

und die Blüten winken ihm zu.


DIE SCHLAFENDE

Die Lider hat sie geschlossen, den Mund halb geöffnet, 

die Flügel entfaltet und die Hände zusammengelegt.


DIE WENDE

Mein Herz ist eine verwandelte Rose. 

Die Blüte welkt, und der Dorn blüht auf. 

 

ZWISCHENSPIEL

Was liegt wohl hinter den Sternen ? , fragte das Kind.

 Ein Kind, das dir die Sterne zeigt, antwortete der Greis.


DER STACHEL IM HERZEN

Weh, o weh, es sticht im Herzen ! 

Und glänzt wie Elfenbein.


METAMORPHOSE

Viele Tage über blieb der Himmel grau. 

Die weißen Vögel wurden bunt.


ENDE

Nun sind die Bäume welk 

und dieses Blatt, das fiel, 

war nicht mehr als nur 

ein verträumtes Spiel. 

 

HESPERIDEN DER BERG

Sein Fuß ist tannengrün, umrauscht von Silberquellen. 

Ganz oben wirft er Schnee in den heitern' Himmel. 

Die kahle Mitte , was geht's ihn an, 

wenn Haupt und Fuß schon ewig sind ?


OSTERN

Wie nah ist schon das goldene Kind !

Die Mädchen strecken ihre Seidenfinger.

Das neue, grüne Jahr beginnt, 

und aus den Bäumen brechen weiße, rosa, rote Lichter!

 

NOCTURNE

Nun schweigt der Silberwald.

Metallen glänzt der See.

Der sanfte Ruf der Nacht verhallt.

Bald schweigt der See und glänzt der Wald.

 

AURORA

Leicht lösen sich die Morgennebel.

So vielverheißend rollt der Tag hinauf.

Die Feen entfalten ihre halberfrorenen Flügel, 

und zitternd, furchtbar glitzernd glüht die Sonne auf ! 

 

VOLLMOND

Es schlägt die Nacht in ihre Harmonien. 

Im seidenen Glanz zerrinnt der Silberbach. 

Der Mond vergilbt so sanft in Sinfonien. 

Die Menschen werden plötzlich wach !

 

DIE BLAUE BLUME

Schlief denn die blaue Blume nicht in jener Nacht, 

in sich gekehrt, von ihrem eigenen Duft gerührt ? 

Am Morgen jedoch war sie erwacht und schenkte sich der Luft 

und dem Geheimnis, das uns ewiglich berührt. 


ATMAN

Atman, große Seele, unsere Herzensknospe schließe kräftig auf !

Gib, daß wir im Wähnen nicht verzögern deinen Sternenlauf.

Sieh, es wächst der Tag, o Rosenwelt steig auf !

Wehe, mächt'ge Menschenseele, blühet das All dir unermeßlich auf ! 

 

 

DER KERN

Ruhst in mir dunkler Kern 

bald ein Falter, bald ein Stern.

Monde kommen, Sonnen gehn', 

stark bist du geworden, um zu überstehn'.

 

Glaubte mich verloren, bin nun heiter, 

erklimme deine goldnen Stufen immer steiler.

Oben angekommen, Gipfel kann ich schauen 

und die Strahlenwesen, die allein nur dir vertrauen.

 

Jedes lächelt, 

jedes scheint zu singen, 

süße Melodein, 

die mich durchdringen.

 

Neu werd' ich geboren. 

Strahlend, strömend steige ich. 

Du beginnst mich zu erfassen 

und sieh, auch ich erfasse dich.

 

Süß schmeckst Du, 

schenkst mir unermeßlich Wonne, 

brichst Du nur noch stärker auf 

eine MORGENSONNE ! 

 

H

Herbstlich sinkt der Abend.

Es weichendie dunklen Wolken den Gottesstrahlen 

und makellos, vom Winde gereinigt, 

erscheint der Diamant, das Firmament. 

Golden, golden verströmt sich die Sonne 

und haucht dort noch einmal alles Leben ein, 

wo es schon gewillt war zu sterben 

wie das welke Blatt oder der hohe, weise Baum.

Paläste entstehen voll reiner Juwelen. 

Überall plötzlich wird es greifbar, fast häuslich, 

das Gold und der überirdische Glanz.

Still nun, verwandelt, unbegreiflich, 

von einem unaussprechlichen Geheimnis berührt, 

Steht inmitten von Leben und Tod 

der Eine

e r l e u c h t e t.    

 

 

ANHANG

 

CORONA oder Tod und Auferstehung
 

 Ich ersticke.

Atmen kann ich schon lange nicht mehr.
Meine Flügel sind verblassen
und heben sich so schwer
Wie Engel manchmal fallen
und versinken im abgrundtiefen toten Meer.
so ertrinke ich,
und atmen kann ich schon lange nicht mehr
Kein Duft mehr fließt durch meine Adern,
keine Luft mehr hebt mich über mich hinaus.
Ich glaube,
Ich muß sterben,
Schon geht mein Lichtlein aus,
Da leuchtet plötzlich ein großer Stern
Und geht in meiner Seele blühend auf !
Leicht wie eine weiße, jüngste Feder
Gehn’ meine Flügel immer wieder auf,
Unbeschwerte Atemzüge füllen sie
Mit Feuer, Beben und Entzücken
An allen Enden wieder aus !
Gott Ist Atem,
Gott ist Leben
Und der Mensch sein Hauch.
Atmet !
Lebet !
Und ihr Toten auch.

 

DER TAG

Ich feire jeden neuen Tag,
auch bet' ich lange in der Nacht,
bis ein neuer Morgen dämmernd kommt
und der Tag in meinen Augen erwacht.

Ich tanz' in seinen unzähligen Sekunden
im weiten Schwung und Biegsamkeit
und verströme mich in seinen langen Stunden
in schwellender Welle und Heiterkeit.

Auch am goldenen Abend noch,
wenn sein Licht in meinem Heim erlischt,
bereite ich ihm schnell ein Freudenfeuer
und reime ihm dankbar ein Gedicht.

Und in der tiefen sel'gen Nacht,
wenn er scheinbar schlafen geht,
bewundre ich noch seine stille Pracht,
wenn sein Auge sich nach innen dreht.

 

Der Schmerz und seine Lösung

 

Ich habe Angst, ein Reh zu sein

Und liefe vor des Jägers Gewehr,

Der schösse flugs in mein Herz hinein,

Und ich wäre auf dieser Welt nicht mehr.

 

Ich habe Angst, ein Jäger zu sein

Und schösse auf Wild und Reh,

Als schösse ich in mich selbst hinein,

In mein uraltes, tiefstes Weh.

 

Ich habe Angst, ein Gewehr zu sein

Und schösse auf Jäger oder Reh,

Drum brach ich es in der Mitte entzwei

Und warf die letzte Kugel in den See !



Auf Messers Schneide tanzt wie eine Feder der weiße Elefant.




                 

mercredi 19 janvier 2022

Contes Oniriques



CONTES ONIRIQUES  

   

  

  

ALEPH   

ADAM  

LES SEPT PIERRES 

LA FILLE DE L’ÉLYSÉE

  

  

  

  

  

  

  

  

HARALD DASTIS    

 

 

 

 

 

 

 

 

NOVALIS  

  

"Nous rêvons de voyages à travers l'univers : l'univers n'est-il donc pas en nous ? Nous ne connaissons pas les profondeurs de notre esprit. C'est vers l'intérieur que va le chemin mystérieux. En nous, ou nulle part ailleurs, se trouve l'éternité avec ses mondes, le passé et l'avenir".  

SHAKESPEARE  

"We are such stuff as dreams are made of, and our little life is rounded with a sleep.  

GERARD DE NERVAL  

  

"Le rêve est une seconde vie. Je n'ai pu percer sans frémir ces portes d'ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible".  

  

  

  

  

  

  

 

 

ALEPH

 

 

 

 

Chacun, j’ose affirmer avec plus ou moins de certitude, aura été le témoin ou même le principal acteur d’un rêve dans lequel il se voyait comme dans un miroir magique, reflété en tout et au-dessus de tout, et en même temps intimement lié et connecté à toutes choses tant visibles qu’invisibles.   

Et ce rêve, qui par bonheur nous avait déjà pris dans ses bras bienheureux dès notre naissance, avait laissé en notre for intérieur une musique profonde et ineffaçable, qui parfois donnait à notre vie une sonorité plus riche et plus colorée que nous ne le pensions encore aujourd'hui.   

O lecteur secret, te souviens-tu de ce qui s'est passé lorsque tu t'es réveillé au milieu de la nuit et que le silence impénétrable menaçait de t'engloutir ? Tout ce qui t'entourait dormait d'un sommeil profond, semblable à la mort. Il n'y avait que toi qui étais éveillé, anxieux de voir le rêve qui t'avait mis dans cette situation inhabituelle et étrange, réapparaître intégralement devant tes yeux. Ne semblait-il pas sommeiller dans chaque cellule de ton corps, brillant et scintillant comme un serpent magnétique et invisible qui, en entendant ton appel, se précipitait vers le centre de ton front avec un mouvement souple et rapide comme l’éclair, et te révélait à nouveau les images de ton rêve cosmique ? Quelle dimension inconnue n'aura pas ainsi gagné ton rêve, quel délice indescriptible, quelles énigmes constellées ne se sont pas manifestées à toi en ce seul moment magique où ton corps prît spontanément les dimensions de l’univers ! Mais devant ces flots de plénitude, l'homme ordinaire préfère plutôt prendre la fuite et sa fermeture à l'inconnu, son désarroi devant le mystère, sa peur enracinée devant l’infini et son indécision devant le renouveau l'enveloppent à nouveau, sans qu’il s’en aperçoive dans les voiles protecteurs de l'oubli.  

Néanmoins, je tâcherai maintenant de retracer un événement pour le moins marquant, sinon magique, qui m'a pris dans ses bras de manière si miraculeuse et inattendue lors d'une de mes randonnées quotidiennes.  

C'était en automne, un de ces jours d'octobre dont la beauté charnelle et la plénitude palpable me sont restées inoubliables. La lumière se revêtait des plus belles couleurs automnales à travers les feuilles mordorées et paraissaient se transformer en nectar dans la bouche. Elle bourdonnait dans l'air cristallin. Tout semblait tinter et résonner en réponse à sa venue, tout ce qui était éphémère se remplissait de l’élixir inconnu qui versait la vie et la mort dans un même récipient. Des gouttes de lumière tombèrent des arbres comme du miel exquis. Des arcs-en-ciel se promenaient, s'enlaçaient, tournoyaient en arcs de plus en plus haut, jusqu'à ce qu'ils se brisassent dans les flèches irisées du soleil. Des cascades de couleurs vives se déversaient sur ce monde chancelant, vacillant et pourtant solidement ancré à ses extrémités. Des particules de lumière les plus fines et les plus légères dansaient et ondulaient, des nuées d’insectes et d'éphémères ivres de soleil s'agitaient dans l'air encore chaud. Ici et là, une feuille flétrie tombait lentement sur la terre fumante et odorante, comme une étoile délicatement détachée par une main invisible. Chaque pas dans la forêt enchantée était un plaisir silencieux, chaque respiration un délice inexprimable. Les poumons ouvrirent puissamment leurs ailes. Le nez dilata ses narines et le corps entier semblait vouloir se blottir dans cette dernière apogée   d’extase forestière avant qu’elle ne se meure pour de bon.  

Soudain, venant des lointains laiteux et bleutés, un vent se mit à souffler puissamment dans les arbres les transformant d'un coup en orgues géantes ; il arrachait littéralement de leurs branches et de leurs rameaux des essaims de sons insoupçonnés, les chassait et les faisait tourbillonner dans l'air agité en les dispersant finalement dans les bois épais.   

Mais la terre était encore assez vigoureuse et sereine, et elle propulsait en toutes choses, peut-être pour la dernière fois, l'essence laiteuse et nourrissante émanant du sein de sa maternité abyssale.   

Ô indicibles métamorphoses de l'automne ! Combien de temps résisteras-tu encore à la main glaciale qui tente déjà par petites avances à t'envelopper dans le vêtement de lin blanc et uniforme de l'hiver ?  

Un coup de sifflet strident me tira de mes rêveries. Je regardai autour de moi, perplexe, mais ne trouvant nulle part l'origine de ce sifflement aigu je continuai mon chemin. Un ricanement dont la clarté débordante et pétillante continue encore aujourd'hui à résonner dans mes oreilles, me troubla de plus en plus, d'autant plus que je l'entendais maintenant tout près de moi. Je vérifiai une nouvelle fois les alentours, cherchant même derrière les arbres et leurs branches, pensant qu’un autre promeneur voulait peut-être me jouer un mauvais tour. Mais comme, malgré une inspection minutieuse des lieux, je ne trouvais rien de suspect je poursuivis bon gré mal gré ma route, presque à contrecœur, quand soudain j'entendis une voix d'enfant me héler au-dessus de ma tête : "Hé, toi !” Instinctivement, je levai les yeux vers le haut et, à mon grand étonnement, je vis un garçon assis entre les innombrables rameaux et branches dont la beauté indescriptible me pénétrait comme un éclair !  

Ses cheveux lumineux, comme tissés par le soleil, ses yeux ronds et brillants comme une paire d’étoile fixe, sa bouche rose et finement dessinée, ses joues joufflues et dorées, toute son apparence me frappa comme une apparition ineffable.   

"De loin déjà, je t'ai vu et entendu tes pas dans la forêt. Chaque homme, tout comme chaque animal, a sa propre démarche et son rythme particulier qui permettent à celui qui le sait, de les reconnaître immédiatement. Mais la plupart des êtres, sans s’en apercevoir, ne font que tourner en rond et se perdre sans laisser une seule trace. Seul quelques-uns rentrent en euxmêmes et font le premier vrai pas". Et il continua :  

"Il est rare que des gens passent par ici sans faire de bruit. », poursuivit-il avec un air un tantinet goguenard qui ne dura heureusement pas longtemps.   Bientôt, ses yeux brillèrent à nouveau de tout leur éclat et l'enfant me demanda comme s’il voulait m’encourager à parler, comment je m'appelais.   

"Harald", lui répondis-je.   

"Et quel est ton nom ô enfant mystérieux ?" hasardai-je sans m’attendre à une réponse de sa part.   

Il me regarda à nouveau d'un air plutôt interrogateur, et je ne sais pas pourquoi je regrettai si profondément ma question.  

"En fait, je n'ai pas de nom, mais si tu veux absolument me donner un nom, appelle-moi Aleph", répondit-il avec un petit sourire   malicieux sur les lèvres.   Quelque chose semblait se passer en lui, qui ne concernait visiblement que moi, et à ma grande surprise, je me mis soudain à prier dans mon for intérieur de ne pas m’avoir aliéné cet enfant. Il me regarda à nouveau droit dans les yeux et me posa finalement cette étrange question :  

"Tu sais écrire sans faire trop de fautes comme toutes les grandes personnes ?"  

"Bien sûr !" me suis-je exclamé avec une sorte d’enthousiasme reconnaissant de pouvoir enfin lui répondre si spontanément et de toute mon âme.   "Attends", dit-il enfin d’une voix prometteuse. “Je vais descendre ! »  

Je ne sais plus comment il avait pu apparaitre si promptement devant moi. J'avais l'impression d'être suspendu entre le rêve et la réalité avec une bonne dose de vertige. "Assieds-toi", m'ordonna l'enfant.  

Et j'étais déjà assis ! Oui, je prenais plaisir à obéir à cet enfant divin, quels que soient les ordres abscons qu'il allait me donner dorénavant - d’ailleurs comment aurais-je pu m’y opposer ? Il m'attirait de plus en plus irrésistiblement, les liens invisibles qui m'attachaient à cet enfant enchanteur se resserraient irrévocablement.   

"Tu n'aurais pas quelque chose à écrire ?", me suggéra-t-il.  

Ce n'est qu'à partir de ce moment-là que j'ai commencé à comprendre où il voulait en venir. Effrayée, je passai mes mains dans toutes les poches, retournant désespérément la doublure vers l'extérieur, mais tout ce que je trouvai fut un vieux bloc-notes en lambeaux et, comme seul instrument d'écriture, un crayon rabougri et rongé certainement par un effort de concentration trop prolongé. Je rougis jusqu'aux oreilles et lui montrai finalement le maigre résultat de ma vocation d'écrivain, ce qui le fit éclater d’un bon rire. Mais j'avais franchement envie de pleurer.   

Un sifflement strident me fit à nouveau sursauter. Qu'est-ce que cela voulait dire ? Qui Aleph invoquait-il ?  

L'enfant posa délicatement son index sur ma bouche et murmura tout doucement : "Chut !"   

Puis il fit quelques pas en avant et se mit à écouter. La forêt entière semblait se taire et écouter attentivement avec lui. Moi-même, je n’étais qu’une oreille, à l'affût d'un son salvateur dans ce silence plutôt pesant. Une feuille qui venait de se détacher d'un arbre géant, semblait tourner indéfiniment dans les airs, tomba finalement d'un coup sec sur la terre et resta là dans une attente sans fin.  

Un archet de violon semblait glisser sur les cordes rayonnantes de la lumière du jour. Un son omniprésent approchait de manière inquiétante. Quelque chose d'indicible semblait se préparer. Mes yeux furent soudain comme éblouis par un grand oiseau blanc qui fonçait droit vers nous. Je me suis jeté à plat ventre sur le sol, persuadé que ma dernière heure avait sonné. Mais bientôt il me sembla entendre à nouveau les paroles confidentielles de l'enfant qui commençait à négocier avec la créature fabuleuse venue des régions éthérées et inconnues de l’être humain (pardonnez-moi cette description plutôt compliquée et déformante, mais c'est exactement ce qui me trottait jadis par la tête) dans une langue qu’aucune école sur terre ne saurait enseigner.   

Leur conversation, pour autant que j'ai pu en juger à l'époque, ne dura que quelques instants.  

Un battement court et bruyant d'ailes annonça finalement le départ de l'oiseau géant qui s’éloigna aussi rapidement qu’il était venu quand une main familière caressa doucement le désordre impromptu de mes cheveux. Un nouveau courant rédempteur de vie inonda mes membres exténués. Je regardais avec gratitude le visage rayonnant de l'enfant qui me tendait en triomphant une plume blanche dans sa main droite.   

Je n'ai cependant pas pu prendre de suite cette plume immaculée et lumineuse dans ma main encore tremblante. Ce qui s'était passé précédemment était encore trop présent en moi. En secret je reprochais subitement à l'enfant de me torturer de cette manière étrange et surhumaine.  

"Prends-la ! ", me tança-t-il énergiquement.   

"Je vais te dicter maintenant mon rêve !”  

Je pris mon courage à deux mains et saisis la précieuse plume. Elle était si légère et en apesanteur dans mes mains que je dus déployer toute ma force et concentration pour ne pas la relâcher.  

Mes doigts se pressaient littéralement autour de sa mince penne qu'une force inconnue tirait irrésistiblement vers le haut. Pendant que je passais mon temps à maîtriser l'outil d'écriture récalcitrant, l'enfant était déjà à la recherche d'autres choses qui, me dis-je alors, devaient certainement être en rapport avec la plume.   

Bientôt, il revint et étala devant moi une multitude de feuilles dorées qui, je supposais, devaient remplacer mon bloc-notes délabré. Seul l'enfant devait savoir d’où venaient ces feuilles magiques, désormais destinées à l'écriture. C'est à ce moment-là que je découvris à nouveau à quel point le quotidien pouvait être riche en surprises et miracles.  

"Nous pouvons enfin commencer", chanta-t-il, avec une voix aussi joyeuse que prometteuse, en me montrant une pierre turquoise qu'il avait dû également trouver dans la forêt. Une cavité formée dans un bloc de roche, dans laquelle s'était accumulée l'eau de pluie de la veille, allait bientôt me révéler la destination de cette pierre précieuse. Aleph, je vais maintenant l’appeler par son vrai nom, s'était entre temps rendu sur le rocher en question. Je le suivis avec une attention croissante. Quels dons merveilleux ne possédait pas l’enfant ! Une fois de plus, je n'en crus pas mes yeux lorsqu'il dissolvait rapidement la pierre dans l'eau de pluie en la frottant fermement contre les parois concaves de la cuvette. Une teinture laiteuse d'un bleu profond fut le résultat de cette opération alchimique.    

Il prît ensuite une feuille intacte et la façonna si habilement en une coupe pour en faire finalement l’encrier destiné à récolter le liquide d’azur. Aleph le remplit et me le tendit. Ce faisant, il me débarrassa de la plume et, à mon grand étonnement, la mît dans ses cheveux débordant de boucles.   Nous retournâmes à notre place quand Aleph me tira subrepticement par la manche en me montrant l'arbre dans les branches duquel il m'était apparu pour la première fois. Ce n'est qu'à ce moment-là que je me rendis compte que cet arbre était bien différent des autres. Il n'était pas aussi haut, mais ses innombrables ramifications s'étendaient de tous les côtés en parfaite harmonie, et touchaient même le sol avec l'extrémité de leurs branches. L'abondance indescriptible et l'éclat chatoyant de son feuillage automnal, son enracinement puissant dans la terre qui lui semblait être totalement soumise, son tronc
tortueux et serpentin, sa croissance primitive et démesurée lui conféraient un aspect majestueux, voire vénérable, que je n'avais encore jamais pu observer auprès d’un arbre.
 

"La nuit dernière, alors que je dormais dans sa vaste demeure, je fis un rêve merveilleux que je m’apprête maintenant à te dévoiler », ainsi lentement Aleph commença son récit en me tendant la plume ensorcelée qui ornait jusqu’alors sa tignasse blonde et échevelée.  Je n'oublierai jamais l’instant lors que je plongeai pour la première fois la plume magique dans l’encrier de fortune et traçai les premières lettres sur la feuille avec rapidité et légèreté.   Quelque chose d'indicible semblait descendre sur nous, quelque chose de si intime s’ouvrit comme une fleur dans de nos cœurs - un accord secret et silencieux, une communion qui dépassait toutes les limites, une lumière qui brillait de mille feux et de grâces, un parfum doux et indomptable, quelque chose que nous autres humains appelons succinctement et sèchement par le mot qui pourtant fait vibrer tout l’univers : AMOUR.  

"Dès que je me suis endormi", c'est ainsi qu’il commença sa narration, “Je rêvais que l'arbre sur lequel je m’étais assoupi, s'était transformé en arbre de vie. Un puissant bruissement se faisait encore entendre dans ses cimes, puis le silence régna à nouveau en maître. Comme enchantée, j’ouvris mes yeux et je vis toutes les étoiles, les galaxies et les planètes accrochés comme des boules sur ses branches et sur ses rameaux comme des gouttes de rosée imprégnées de lumière. De temps à autre, une étoile s’en détachait et tombait dans l'abîme bleu sans fond. Des vagues d’amour se succédèrent à l'infini dans l’espace constellé. Chaque vague était un chant bienheureux, et chaque chant était un nouveau et joyeux message de l'amour tout puissant. Chaque instant était une vibrante éternité. Le futur et le passé s'unissaient dans une omniprésence ineffable et omnisciente de l’Intemporel. De douces harmonies parvenaient à mes oreilles. Mais soudain, une voix a murmuré à l’oreille : "Ce n'est pas encore toute ma félicité ! "  

Avant que je ne comprenne ce qui m'arrivait, une cascade de vagues déferlantes m'entraîna dans les profondeurs jusqu’à la terre. Lorsque je me réveillais à nouveau une multitude d'étoiles filantes défilèrent à nouveau devant mes yeux émerveillés et tombèrent en tintant comme des clochettes sur la prairie jonchée de cristaux et de rosée. Des fleurs blanches et bleues en jaillissaient partout en formant des cercles de plus en plus grands. Un parfum merveilleux embaumait l'espace. Une étoile géante, qui semblait illuminer toutes les étoiles du firmament, captiva toute mon attention. Plus je la regardais, plus elle me paraissait mystérieuse et me rappelait étrangement ma naissance. Sa lumière vivante projetait en moi des rayons charismatiques. Comme touché par une baguette magique, je me mis à chanter doucement une chanson millénaire. Avec une douceur infinie l'étoile du soir me prit alors dans ses innombrables bras. Je me rendormis.   

Un concert d'oiseaux partout en liesse me réveilla de nouveau. Déjà le ciel empourpré répandait les premières roses sur les collines verdoyantes. Le firmament tout entier semblait s'élargir et s'arrondir. Les fleurs se levèrent l'une après l'autre et regardèrent avec des yeux extatiques la lumière matinale. Une légère brise caressait la faune et la flore. Une colonne de lumière dorée s'élevait toujours plus haut dans le firmament de diamant. Tout était comme rempli d'une attente inexprimable. C'est alors que, tout près de l’horizon rosissant, le soleil ouvrit d’un seul coup sa porte de gloire et de triomphe et jeta ses premiers rayons de bénédiction sur la terre mère.  

"Ô bienheureuse lumière ! Toi qui portes la vie en ton sein et la joie dans ton giron ! Tu nous gratifies et nous bénis de tes rayons bienfaisants et tu nous ouvres et nous guides sur le chemin vers ta gloire et ton amour ineffable ! "  A peine avais-je parlé ainsi que l'épée flamboyante du soleil avait percé mon cœur et mit en feu tout mon corps et tous mes sens. Tout mon être fut rempli brusquement de sa puissante lumière. Ma force semblait incommensurable, mon âme s'élevait vers des profondeurs et des hauteurs insoupçonnées. La terre entière semblait trembler et pousser des cris de joie, mais à nouveau j'entendis la voix toute puissante me dire : "Ce n'est pas encore toute ma félicité ! " A cet instant, je sentis le souffle d'Aleph sur mes joues. Pendant tout ce temps, il semblait s'être penché sur mon épaule et avoir suivi attentivement l'évolution de son rêve sur les feuilles qui se remplissaient au fur et à mesure de caractères bleutés. Il ne s'est apparemment pas rendu compte que je l'observais furtivement de temps en temps lorsque mon activité d'écrivain me le permettait ou lorsqu’il faisait une petite pause.    

Une fois de plus, son haleine parfumée de rose m'effleura. Il semblait vouloir à tout prix lire ce qu'il m’avait dicté jusqu'à présent. Sur mon épaule gauche, je sentis une pression douce de sa main d’enfant. Il m'avait entourée d'une accolade amicale comme s'il voulait me communiquer bien plus encore son rêve féerique.   

"Mon corps et mon esprit ne faisaient plus qu’une seule entité” poursuivit-il. "Je pouvais m'élargir et me faire tout petit, m'alourdir et m'alléger à volonté. Je volais à la vitesse de la lumière dans un univers composé de milliers de mondes s’enchaînant et s’enroulant les uns aux autres. J'avais l'impression de voler à travers mon propre corps. J'ai vu la face cachée de la lune. Elle regardait constamment dans la direction du soleil comme hypnotisée. Un sourire énigmatique, semblable à celui d'une madone, se dessinait sur ses lèvres argentées. Soudain, je n'aperçus plus qu'une barque nacrée sur laquelle je vis la prêtresse de la nuit jouer de la lyre et chanter. Le son magique et ensorceleur de sa voix, la douce saveur de son chant, le parfum de bois de santal de ses cheveux flottant au vent cosmique m'enivraient de plus en plus. Plus elle chantait, plus elle pinçait les cordes délicates de sa lyre, plus sa barque semblait s'élargir et s'arrondir, jusqu'à devenir la pleine lune qui à son tour fondit en une perle lumineuse et disparut dans l’abîme.  Je me trouvai subitement face au sanctuaire du monde cosmique, dont le représentant visible était le soleil. En son centre, sur une fleur de lotus rouge, reposait le dieu flamboyant de la création. Ses myriades de rayons enlaçaient l'infinie diversité de la création. Autour de lui se déployait telle une fleur aux innombrables pétales, la foule bienheureuse et infinie des génies.  

Un chant immense s'éleva. Un ange bleu en sortit soudain et m'embrassa. Je fondis dans sa lumière solaire quand j'entendis à nouveau la voix qui semblait venir de nulle part m’arriver de partout : "Ce n'est pas encore toute ma félicité !"  

Je me suis à nouveau réveillé sur l'arbre de vie. Je vis à nouveau toutes les étoiles, les planètes et les galaxies allumer leurs petites lanternes dans la voûte céleste. Je vis la Mère de Dieu préparer son banquet pour la nuit de noces et je soupirai en moi-même :  

« Ô Père céleste et ineffable, que veux-tu encore me révéler ? Toi qui m’as déjà si comblé ? " J'avais à peine murmuré ces mots dans la nuit constellée qu'une fontaine jaillissant sous mes pieds m'emportait à toute allure vers des hauteurs inconnues.  

Je semblais grandir de plus en plus. Toute la création entrait dans les indénombrables cellules de mon corps et sortait par vagues et cascades par le lotus dans mon cœur.   

Mon âme, tel un paradisier sortit de l’œuf cosmique, puis vola d’univers en univers et chaque battement d’aile fut l’expression parfaite d’une joie et d’une béatitude toujours renouvelées.  

Ce fut tout mon rêve. Quand je me suis réveillé, j'ai vu le matin pointer à l’horizon. Au-dessus de moi, sur le sommet de l'arbre, un merle chantait avec frénésie. Une légère brise agitait les feuilles dorées. L'arbre s'illumina soudain d'une lumière cuivrée. Partout sur la terre les créatures ouvrirent leurs yeux ébahis. Dans un éclair de lucidité, je reconnus toutes ces parties de la création remplies du feu éternel dont l'expression la plus parfaite était le soleil qui s'élevait au-dessus de sa création lumineuse avec un amour total et indéfectible. Tout était inséparable, indissoluble, mû par un même élan vers le même créateur. Ses liens finement tissés et invisibles s'étendaient à l’infini jusqu'aux galaxies et aux étoiles fixes les plus lointaines et même par -delà. Même le plus petit atome était un élément indispensable à cette joie, de cette unité et de cette harmonie omniprésente. Le plus petit atome portait déjà en lui l'univers entier et l'étincelle sacrée du feu solaire dans son noyau en fusion ! Et c'est justement pour cette raison que toutes les choses s'efforçaient depuis l’éternité de se rapprocher de plus en plus du Divin, chacune à leur manière particulière pour dire l’indicible, pour rendre visible l’invisible, pour la joie d’exister et vivre l’unique aventure de devenir comme Lui !  

Et je ne voyais nulle part de limite fixée à cette aspiration unifiée. Une fois de plus, une vision indélébile m'envahit. Je vis la promesse de l'avenir, l'âge d'or de l'humanité, l'épiphanie de la révélation divine sur la terre.   

Les enveloppes protectrices de la terre avaient disparu. Il n'y avait plus de ciel bleu, du moins pas de la manière dont l’on le voit ou le pense encore aujourd'hui. Le soleil formait un trou noir dans le firmament et envoyait son énergie sans entraves   sur la terre par vagues successives et rythmées comme un battement de cœur. Je ne pouvais plus distinguer où était le ciel et où était la terre, car ils formaient désormais une unité et une harmonie parfaites. Tout était comme fondu dans un seul bloc en or. Au milieu du jour on était capable de voir les étoiles les plus brillantes et entendre leur chant. Je voyais les choses visibles devenir invisibles et les choses invisibles devenir visibles. Oh, si je pouvais te dire dès aujourd'hui tout ce qu’il m’avait été donné de voir ou d’entendre, mais il me manque encore les mots pour le dire ! "  

Un vent glacial souffla tout à coup à travers le bois automnal, arracha une multitude de feuilles mortes et les jeta dans l’air tourbillonnant. Une ombre semblait se glisser à travers la forêt en gémissant jusqu'à ce qu'un rayon de soleil lui rendît de nouveau tout son éclat. "Est-ce je peux te poser une question", murmurai-je timidement à Aleph, après être resté longtemps silencieux et comme paralysé par son bouleversant récit.   

“Je ne sais pas comment te le dire", balbutiai-je, "mais aussi étoilé, aussi mystérieux, aussi merveilleux et prometteur que puisse me paraître ton rêve, rien ne pourra jamais remplacer ce jour où je t'ai rencontré et fait ta connaissance.”  

Je n'étais décidément pas satisfait de ce que je venais de dire. Il me manquait tout à coup les mots justes pour lui exprimer clairement et complètement tout ce que je ressentais de manière si impérative à ce moment-là. J'aurais peutêtre mieux fait de me taire.  

L'enfant me regarda longtemps avec un étrange mélange de tristesse, de joie et de sérénité. Enfin il me dit : "La fleur s'épanouit pour tous, comme le soleil envoie ses rayons dans le vaste espace à la rencontre de chaque créature. Si donc la fleur venait à s'épanouir devant tes yeux, cela ne signifie pas pour autant qu'elle ne se donne qu’à toi tout comme le soleil éclaire la marche de tout un chacun. N'oublie pas la cohérence des choses, n'oublie pas qu'un seul amour les fasse se mouvoir et avancer ! Et si, selon toutes les apparences, l'un est plus proche du but que l'autre, ils ont tous sans exception la promesse de diner un jour à la même table avec le Suprême. Que le plus haut puisse accorder et donner le même amour au plus bas de l’échelle humaine comme au plus grand, est sûrement le plus grand secret de l'univers et en même temps sa plus grande victoire et sa plus grande force. C'est pourquoi je te somme maintenant de garder précieusement mon rêve et tout ce que je viens de te raconter. 

 Peut-être un jour ou un autre sera-t-il visible et lisible pour tout le monde.” Une douleur jamais ressentie me submergea soudainement. Je sus pertinemment que je ne pouvais plus retenir Aleph et que les adieux étaient toutes proches. Il s'était déjà retourné et s'éloigna, léger comme une plume vers le couchant.  

Sa silhouette se perdait de plus en plus entre les colonnes sombres de la forêt. Un dernier rayon du soleil filtra à travers l'épais feuillage des arbres, et son épée flamboyante tomba directement sur la tête d’Aleph. A cet instant, il se retourna et leva la main droite pour me saluer une dernière fois. Une dernière fois il me fut permis de voir toute la plénitude de son visage.  

Une bourrasque de vent souffla à nouveau avec force et emporta une nouvelle masse de feuilles tourbillonnantes dans la profonde clairière de la forêt. Mes yeux cherchaient en vain. J‘eus voulu à cet instant précis me jeter à ses pieds et ne plus me relever mais Aleph s’était évaporé comme par magie dans la nuit tombante.  

Tout à coup, la plume m'échappa des mains et s'envola aussitôt. J’eus beau tenté de la rattraper. En quelques secondes elle était hors de ma portée et disparut dans le ciel. Je cherchais mon souffle, un seul repère, une pensée claire. J'étais comme anéanti. Ce n'est qu'à grand-peine que j'ai pu retenir mes larmes. J'étais seul dans la forêt sombre, désemparé par mon impuissance de pouvoir ramener Aleph. "Le rêve ! Le rêve !" crus-je entendre comme une consolation joyeuse dans les bois attristés.  

« Bien sûr ! Le rêve ! Pourquoi ai-je pu l'oublier si vite ! » Je me reprochai ma négligence et m’empressai aussitôt de me rendre aux endroits où j'avais laissé mes feuilles.   

Heureusement et à mon grand soulagement, le vent d'automne qui soufflait de plus en plus fort, les avait épargnées. Avec beaucoup de tendresse, comme si elles étaient à la fois le bien le plus précieux et le plus fragile sur terre, je les rassemblais une à une dans mes mains et les serrais contre mon cœur.   

Dans le ciel les premières étoiles s’allumèrent déjà. Partout il me semblait voir les yeux d'Aleph briller à nouveau et sourire à travers elles en secret. Une étoile filante traversa comme une flèche le firmament scintillant. Une larme coula sur ma joue. Une fois encore, les images vivantes de la journée défilèrent devant mes yeux. D'un seul coup je compris le message universel d'Aleph, sa venue et son départ. La terre semblait prête pour l'avènement de l'amour tout puissant. Et personne, même la plus dure et la plus récalcitrante ne saurait échapper à son irrésistible pouvoir.  

Vite, en larmes, presque fou de bonheur, je regagnais en courant ma maison pour remercier le Ciel de cette miraculeuse rencontre et du tournant indescriptible qu’elle avait donné, sinon redonné chaque jour et encore aujourd’hui à ma vie par Aleph !  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

   

 

 

 

 

Adam ou La naissance du conte de fée              

C'était fait !  

Du vaste espace incommensurable jusqu'aux plus infimes choses sur la terre, tout était désormais à la place qui lui avait été assignée et pouvait maintenant jouir en liberté de toute la création infinie. Le démiurge sans âge et à la barbe blanche se frotta avec allégresse ses mains noueuses et ridées. C'était vraiment beau à voir comme toutes les rouages se mirent à tourner et mirent l’univers en mouvement. C’était si édifiant de contempler les étoiles scintiller au firmament et c’était si amusant de regarder la petite mouche à viande se colorer dans le premier crépuscule, toute contente de son autosuffisance. En vérité, ce fut une création divine et irréprochable qui fit toute la fierté et la gloire de son créateur. Et Dieu put enfin s'allonger sur son lit préparé par les anges et s’endormir pour un repos bien mérité après avoir ahané et œuvré sans relâche pendant des jours et des semaines. Alors il s'étendit de tout son long au- dessus de son chef-d'œuvre, la bouche grande ouverte et commença à ronfler. Mais à peine avait-il fermé ses yeux que déjà, ici et là, des grondements et des agitations commencèrent à se faire entendre. Notamment sur la terre où les créatures regardaient avec une envie irrépressible les étoiles lointaines et bienheureuses brûlant paisiblement leur encens dans le ciel sans se soucier de la lutte quotidienne qui faisait rage sur terre pour la survie ! Il ne fut donc pas étonnant que cette agitation aveugle et sauvage ne tarde pas à arriver jusqu’aux oreilles de Dieu ! Les cris de colère et les blasphèmes séditieux sur la terre finirent par le réveiller de son sommeil profond et réparateur. Son visage couperosé se contracta en une profonde colère lorsqu'il découvrit ce qui se passa sur la terre en son absence. Alors d’un seul bond le Tout Puissant se leva et descendit avec fureur les mille marches dorées jusqu’au foyer de troubles qui se répandait peu à peu sur la terre, afin de punir sévèrement les coupables et de remettre l'ordre avant qu’il ne soit pas trop tard. En l'espace de quelques heures, des tempêtes dévastatrices et des incendies apocalyptiques se déchaînèrent et écrasèrent dans leur passage tout ce qui ne pouvait pas s'enfuir. Les fleuves et les mers débordèrent, les pluies incessantes engloutirent le reste. Seules   quelques créatures chanceuses avaient survécu à ce jour funeste. O violente est la colère du Dieu se lamentaient alors les terriens marqués au fer rouge. Alors Dieu s'éloigna da la terre en laissant derrière lui ses feux destructeurs et ses comètes flagellants.  Dans sa rage aveugle il avait presque tout détruit ! 

Plusieurs années s’écoulèrent depuis ce grave cataclysme, sans que quiconque osa ouvrir sa bouche à moins que ce ne soit pour manger.   

Les plaies étaient encore trop fraîches et l’angoisse et la peur régnaient toujours en maître. Tout le monde se sentait seul et abandonné et les nuits n'apportaient plus leur lot de de réconfort, car le sommeil était lourd et hanté par toutes sortes de fantômes et de cauchemars et mille chagrins déchiraient le cœur des pauvres créatures.   Dieu, quant à lui, veillait sans relâche. Depuis ce jour mémorable qui semblait avoir mis toute sa création sens dessus dessous, il n’arrêta pas de ruminer et de se mortifier et la dent empoisonnée du remords le rongeait de jour en jour. Qu'est-ce qui l'avait alors poussé à user de ce châtiment effréné et effroyable ? N'aurait-il pas été plus sage et plus divin de laisser sa création terrestre à son sort, jusqu'à ce qu’elle se tourne à nouveau vers lui en lui demandant de l'aide ? À quoi bon surveiller étroitement la Terre et inspirer peur et chagrin à ses habitants au lieu de les réconforter ? A quoi bon créer un fossé infranchissable entre lui et sa créature ? Tout était sa faute !  

Soudain, une idée lumineuse traversa l'esprit de Dieu ! Oui, il voulait créer un être qui servirait de lien entre lui et sa création, et cet être serait en même temps son messager et leur confident.  

Une fois de plus Dieu travailla d’arrache-pied. Se dépassant lui-même, il créa finalement le premier homme et l'appela Adam. Après avoir achevé l’œuvre la plus ardue et la plus perfectionnée, il la déposa finalement sur une colline verte au beau milieu d'une nuit éclairée par la pleine lune en espérant qu’elle s'éveillerait dès le lendemain matin.   

Le sommeil voilait encore les yeux bourgeonnants du nouveau- né, mais sa poitrine se remplissait déjà de l’air pur er rafraîchissant inspiré par ses narines. Une dernière fois son procréateur le contempla avec satisfaction et émerveillement et s’en fût gaillardement avant les premières lueurs de l'aube.  

Le matin se leva répandant sa nouvelle promesse sur la terre. Adam ouvrit les yeux et s'agenouilla instantanément devant la lumière royale qui brillait maintenant dans toute sa splendeur. Puis, dans une coupe remplie d'eau, il esquissa son premier salut au dieu soleil et lui rendit hommage. Et l'astre solaire bénit en réponse son nouveauné.  

Adam, le cœur riant et léger, se dressa et entra pour la première fois dans son nouveau royaume.  

C'était un dimanche, le jour du Seigneur. Sur la terre un immense arc-en-ciel étala ses couleurs. Toutes les sources chantèrent.  L'air était si clair et si pur et le soir résonnait comme un son de cloche en or.  La lune leva l’encre et fit glisser sa nacelle argentée sur l’horizon crépusculaire. Les étoiles communiaient en chœur en entonnant une chanson céleste. Un météore fendit la nuit enchantée. Alors les yeux d'or d'Adam se refermèrent et se tournèrent vers l’intérieur.  

Les jours et les années passèrent sans aucun incident ou événement perturbateur. Depuis que le Fils de Dieu foulait le sol de la terre, les quatre piliers de l'ordre cosmique étaient à nouveau solidement ancrés dans les continents, et on ne sentit plus le lourd fardeau du temps sous la nouvelle influence de l'éternité. Tout poussait avec une grâce juvénile, fleurissait dans l’âge et mourait avec dignité. Les oiseaux chantaient plus fort que jamais et on pouvait parfois entendre un ruisseau clapoter joyeusement lorsque le Fils de Dieu passait près de lui. Tous les animaux et toutes les choses aimaient Adam, dont la présence avait quelque chose d’immensément réconfortant. Ils savaient au fond d'eux-mêmes qu’il n'aurait pas pu faire le moindre mal ou la moindre injustice à quiconque sur la terre.  

Mais ce qui les encourageait et semblait les délivrer d'un chagrin inconnu, c'étaient les paroles messianiques d'Adam lorsqu'il parlait de Dieu de manière toujours plus extatique ! Bientôt, tous les animaux perdirent toutes leurs peurs et angoisses qu'ils avaient accumulées dans leur cœur au fil des années passées.  Depuis l’arrivée d’Adam, Dieu commença à se transformer en eux et cela évidemment grâce aux prédications enflammées d'Adam, non plus en quelque chose d’inaccessible et de terrifiant, mais en quelque chose de proche et de familier, voire ineffablement sacré, au point qu'ils ne portaient plus de crainte devant son autorité ténébreuse et sa tyrannie impitoyable, mais curieusement plutôt un profond respect pour son indicible gloire et sa grâce infinie.  

Or un jour, Dieu eut l’idée d’assister à une de ces prêches et se cacha dans l'arbre qui étendait ses nombreuses branches et son feuillage dense sur la place déjà agitée par l’arrivée des animaux des quatre coins du monde, afin de contempler son fils de plus près et l’entendre.   

Adam s'appuya nonchalamment contre le tronc de celui-ci sans se douter que son père se tenait à proximité de lui. A ses pieds les animaux étaient assis ou couchés et attendaient avec une attention et une dévotion croissantes le flot suave de son discours. Ce jour-là, un sourire particulièrement charmant ornait les lèvres roses d'Adam, et une lumière mystérieuse brillait dans ses yeux. En le voyant vivre et déambuler ainsi, on ne pût s’empêcher de s’attacher à lui et lui accorder une confiance absolue. De plus il était beau comme un conte de fée.  

Enfin Adam commença : "Proche est, ô mes frères, le Dieu omniprésent ! Dans votre cœur Il chante, dans votre sang Il vibre, dans votre âme Il a mis le sceau inviolable de sa communion éternelle avec vous. Partout il est, partout il agit, partout il s'est répandu dans son amour incommensurable en se sacrifiant lui-même. Car nous ne serions pas, s'Il n'était pas. Même le plus petit atome est rempli et mû par Lui !  

Tout est Lui, tout vit par Lui, tout tend vers Lui, tout naît en Lui, car Il est toute vie, toute aspiration et toute naissance. Et pourtant, Il est bien plus encore ! Aucune chose dans l’univers, même si l’on réunissait toutes les étoiles, tous les soleils et toutes les galaxies en un seul point, ne pourrait jamais, même approximativement, se comparer à Lui. Aucun mot, même s'il parlait lui-même par notre bouche, ne pourrait jamais rendre toute sa sagesse et sa gloire car tout n'est qu'une ressemblance fragmentaire ou une approximation fortuite et futile de la vérité, une microscopique pierre dans la mosaïque infinie de son existence ineffable.   

Proche pourtant est, ô mes frères, le Dieu tout puissant, omniprésent et miséricordieux ! O puissiez-vous connaître dès aujourd'hui la flamme éternelle qui brûle de manière inextinguible dans votre cœur ! Puissiez-vous expérimenter ici et maintenant combien vous êtes proches de Lui depuis des temps immémoriaux et pour toute l'éternité ! Il est prêt à s'expérimenter et à se reconnaître toujours à nouveau en vous, dans la cavité la plus secrète et la plus sacrée de votre cœur. Un murmure parcourut le cercle des animaux qui entouraient Adam lorsque celui-ci arrêta brusquement son discours. Puis le silence se fit à nouveau, et le silence ne tarda pas à se transformer en un silence pesant.  

Mais Adam, dans sa profonde connaissance des animaux, avait déjà prévu qu’ils ressentiraient à nouveau la crainte millénaire d’un Dieu omnipotent qui les dépasserait de tous leurs côtés, continua soudain d'une voix moqueuse : "Pourquoi avez-vous donc peur de lui ? N'entendez-vous pas son rire enfantin face à votre timidité et votre pusillanimité de vieillards ?   

Pourquoi êtes-vous toujours obligés de voir loin ce qui près et de croire vrai ce qui est faux parce que cela vous convient favorablement à un moment fugace dans votre monotone existence ? Ô brisez vos lamentations et découragements afin de pouvoir conquérir le cœur du soleil, ne pêchez plus dans l'étang trouble et clos, mais aventurez-vous sur le grand océan ! 

Et voyez et entendez une fois de plus combien ça peut être aussi familier et enjoué ! Tendez une fois de plus vos oreilles tombantes ! Tout simplement … écoutez ! » A ces mots, Adam sortit de l'herbe un bois long et étroit et le montra aux animaux stupéfaits.  

"Pourquoi nous montre-t-il maintenant un simple morceau de bois, vous demanderezvous certainement, mais ce morceau de bois apparemment négligeable a une signification très particulière. Il y a quelques jours, je l'ai découpé dans les roseaux et je lui ai donné le nom de « flûte ». Elle est creuse à l'intérieur et possède des encoches que j’y ai sculptées et que j'utilise en les fermant ou en les ouvrant avec mes doigts selon mon humeur.  

Et quand je porte le roseau à ma bouche et que je souffle graduellement dedans, cela produit un son clair, pur, aigu ou grave, qui ressemble beaucoup à la voix d'un oiseau, et je peux le varier et moduler à volonté en jouant à l’aide de mes dix doigts.  Pour vous donner un exemple concret du jeu de ma flûte, je vais maintenant commencer par la note la plus grave, en bouchant toutes les ouvertures de la flûte avec mes doigts, que je vais ensuite moduler jusqu'au son le plus aigu. » Et Adam se mit soudain à jouer devant la foule étonnée.   

Après avoir joué toute la gamme de bas en haut et de haut en bas, il s'apprêtait à varier de plus en plus son jeu. Déjà, ses doigts dansaient sur la flûte et en faisaient jaillir des cascades de notes multicolores, qui s'assemblèrent bientôt en une mélodie irisée et enchanteresse. Les animaux étaient comme transfigurés. La tension intérieure, la détresse extérieure se métamorphosaient d'un coup en une fontaine joyeuse, légère et subtilement perlée. Un tourbillon s'empara puissamment de leurs âmes et les emporta vers des profondeurs et des hauteurs insoupçonnées. Ils n’arrivaient plus à distinguer si Adam était la flûte ou si la flûte était Adam, s'il était la mélodie ou si la mélodie était lui. C'est alors que partout la présence divine devînt tangible et visible. Ils avaient soudainement envie de pousser des cris de joie, sauter, danser et chanter, si le son de la flûte      ne s’était pas brusquement arrêté pour reprendre de plus belle.  Une mélodie puissante et profonde envahit subitement le cœur des animaux et sembla transfigurer tout ce qui les entourait. Même la flûte semblait maintenant se soumettre au son cosmique, magique et omnipotent qu'elle avait évoqué par son jeu audacieux et époustouflant.   

Une nostalgie indescriptible emplit soudain toutes choses, un mystérieux feu croissant en dedans enflamma des animaux et les poussa impérieusement vers un nouveau sens et de nouveaux horizons. C'est alors que le jeu de la flûte s'arrêta une fois de plus brusquement.  

Un bouleversement inopiné se lisait sur le visage d'Adam, une douleur inconnue sembla s'être emparée de lui lorsqu'il parla aux animaux d'un ton mélancolique, presque étrange : "O, avez-vous entendu comme mes oreilles, avez-vous vu comme mes yeux ? Ce n'était pas moi, ce n'était plus Adam, le Fils de Dieu, qui jouait de la flûte, mais quelqu’un d’autre, une autre main, une autre âme, une autre grandeur inconnue qui ne veut pas se résoudre dans l'équation de mon âme, une autre ?   O quelque chose qui n'a pas encore de nom dans la création et qui pourtant lui donne déjà son doux parfum, une fleur grandiose dans le brusque désert de mon existence, un coup d’épingle dans le ballon multicolore de mon imagination, un rire espiègle dans ma triste science.  

Le lion prit alors la parole car il était visiblement triste de voir son maître à ce point tourmenté et inconsolable, et en proie à une douleur inexplicable et inconnue. "Ô Adam notre bien-aimé et vénéré par nous tous, permets-moi de te poser une question."  Adam lui répondit par un court hochement de tête.   

"Je ne sais pas si je suis capable de me l'expliquer et en même temps te l’expliquer avec des mots, mais n'était-ce pas le Seigneur, notre Tout-Père tout-puissant, qui jouait sur ta flûte ? Nous l'avons tous entendu et avons plus ou moins ressenti sa présence. Aujourd'hui, tu as réveillé quelque chose de nouveau en nous, ce dont nous te serons reconnaissants pour l'éternité. Ô Adam, pourquoi donc t'affliges-tu de la sorte ? ”.   

"Tes paroles sont bonnes et sages, ô lion", lui répondit Adam, "et elles prouvent que tu as écouté la flûte de toute ton âme, avec attention et dévouement. Je te remercie de ta sincère empathie, comme vous tous, ô chers animaux. C'est vrai, cher lion, quand tu me dis que c’était le Seigneur qui a joué sur ma flûte, mais d'une manière que je n'avais encore jamais expérimentée jusqu'à ce jour.   

C'était quelque chose de plus, même si cela ne l'augmentait pas, mais le complétait plutôt. En d'autres termes, c’était quelque chose de tout à fait nouveau. Mais rentrez tous chez vous, chers animaux, et laissez-moi seul maintenant afin que je puisse réfléchir en toute tranquillité à ce qui me vient d’arriver. “  

Les animaux partirent à contrecœur, presque en grommelant et laissèrent Adam finalement seul avec son chagrin. En regardant une dernière fois derrière eux, ils avaient l'impression de prendre congé pour toujours du Fils de Dieu, tant il leur était devenu tout d’un coup lointain et inaccessible, et cela remplissait leur cœur d'une profonde tristesse.  

Lorsque le silence et le vide se firent autour de l'arbre et que la nuit tomba pesamment, Adam s'en alla lui aussi d'un pas lourd et la tête baissée. Mais Dieu, toujours caché dans les branches vertes de l'arbre, regarda avec fierté et satisfaction son unique fils, dont il ne connaissait pas la tristesse et dont il ne voulait point connaitre l’origine pour le moment. Pour Dieu, tout allait se remettre en ordre en un tournemain. En vérité, tout ce qu'Adam disait de lui était bon et sublime, et il était tellement fier de lui et l'aimait de tout son cœur ! Et ce jeu de flûte céleste et enchanteur ! Seul Adam, son fils en chair et en os, pouvait l'inventer et enrichir ainsi infiniment sa création. Une larme coula sur la joue de Dieu. Il bénissait rapidement Adam dont la silhouette se perdait dans l’obscurité de la nuit et s’en fut dans les airs pour regagner rapidement son foyer élyséen alors qu'Adam disparaissait dans l'abîme sans fond.   

- Au firmament les étoiles s’allumèrent l'une après l'autre, quand soudain un frisson traversa dans l'arbre, et de son tronc comme un métal en fusion jaillit un serpent qui éleva sa tête ornée de plumes, loin au-dessus de la terre assoupie. Il détient une histoire et des antécédents plutôt étranges, car Dieu ne l'a pas créée à proprement parler et il ignorait complètement son existence.  

Il n’empêche que Dieu fut néanmoins responsable de son apparition mystérieuse et de son agissement séditieux. Voici ce qui s’était vraiment passé il y a des temps immémoriaux :   

C'était le dernier jour de la création, lorsque Dieu, fatigué et épuisé par ses incessantes créations, s'apprêtait à remettre à sa place le lourd et épais grimoire dont il se servait exclusivement pour sa création, lorsque celui-ci lui s’échappa des mains par un mouvement maladroit et tomba avec fracas sur ses pieds. Le cri de douleur qu'il poussa fit trembler tout l’univers jusqu’aux galaxies les plus lointaines.   

En vérité, ce livre colossal fut la fierté et le fruit inestimable de tout son travail dans lequel il avait inscrit et catalogué tout minutieusement. A chaque chose et à chaque être fut attribué une formule magique spécial que seul Dieu connaissait. Et comme il avait aussi des défauts de mémoire, il catalogua sagement et consciencieusement tout dans son grimoire afin d’éviter d’oublier toute formule magique ou de confondre une chose avec une autre ou un être vivant avec un autre être vivant.   

Rien d’étonnant à ce que cet ouvrage volumineux et encombrant renferma innombrables pages qui elles-mêmes continrent autant de formules abracadabrantes.   On peut par conséquent facilement mesurer la frayeur de Dieu lorsque celui-ci vit son inestimable ouvrage s’éparpiller comme des feuilles mortes dans tous les vents. Il ne put s'empêcher d'entreprendre à nouveau la tâche titanesque de ramasser une par une les pages disséminées et de vérifier jusqu'au bout de la nuit qu'aucune d’elles n'avait été perdues.   

En vérité Dieu sembla être né sous une mauvaise étoile.  

Après avoir remis tant bien que mal de l'ordre dans le chaos, il ne manquait plus qu'une page qui était restée dans sa main juste au moment où le livre lui échappa, qu’il s'apprêta à ancrer dans sa collection.   

Quelle ne fut pas sa surprise de voir cette page recouverte d'inscriptions kabbalistiques dont il ignorait complètement l’existence et quoi qu’il fît pour les déchiffrer il n’y arriva point.  

Pour comble de malheur ces signes ne semblaient pas avoir été tracées par sa main.  L’écriture portait apparemment la trace du sang et non celle de son encre bleue royale ! Comment se fait-il alors que cette page ensorcelée s’était glissée dans son livre ?  

Une fois de plus, il soumit la page énigmatique à un examen minutieux. L'épais enchevêtrement des lettres que Dieu essayait en vain de démêler brillait de mille mystères impénétrables. Plus il les fouillait à la recherche d’un indice révélateur plus ses yeux se brouillaient. Il frissonna lors que, en suivant son intuition, il essaya de lire à voix haute les caractères sibyllins.   

À peine avait-il fini la lecture de la page, que subitement il ne sut même pas comment, un éclair aveuglant accompagné d'un puissant coup de tonnerre s'abattit sur son royaume céleste ; il faillit tomber à genoux de frayeur.   

Lorsque la fumée âcre commença à se dissiper autour de lui et qu'il put rouvrir ses yeux douloureux, il vit une créature courbée et annelée qui se dressait droit devant lui, impérieuse et gigantesque. C'était un serpent !  

"Va-t-en loin de moi, créature abjecte de l'enfer ! Retourne d’où tu viens » rugit Dieu avec un geste menaçant, « fils des ténèbres avant que je ne t'écrase dans ma main !".   Alors le serpent en guise de réponse, jeta un regard venimeux et de feu à l’encontre de Dieu et s’en fut sans se retourner telle une flamme incarnée.  

C'est ainsi que le Créateur avait accompli sa dernière œuvre. Mais il eut un mauvais pressentiment lorsque le serpent disparut de sa vue. La nuit même il détruisit la page diabolique.  

Mais le serpent n'était pourtant pas resté inactif entre-temps. C’était lui qui avait semé la zizanie entre les habitants de la terre, c’était lui qui avait mis à nu l'aiguillon de la révolte, sans que l'on puisse reconnaître en lui l'instigateur réel.  Il était rusé et malveillant envers Dieu, qu’il méprisait au plus haut point et qu’il couvrit chaque jour de moqueries et de blasphèmes venant du plus profond de son être.   

Or, ce soir-là, alors qu'Adam s'adressa aux animaux, il se trouvait également par hasard dans les épaisses branches et le feuillage doré de l'arbre autour duquel les animaux s'étaient rassemblés.   

Ni Dieu ni lui ne se doutaient que ce jour fatal allait changer radicalement leur vie. Le serpent avait déjà entendu parler à maintes reprises du Fils de Dieu et s’en représentait une image plutôt risible et grotesque, mais dès qu’il vit pour la première fois sa vraie silhouette, son cœur ne tarda pas à s'embraser et à tomber éperdument amoureux en une fraction de seconde du fils de Dieu.   

Et cet amour grandissait au fur et à mesure au son balsamique de sa voix d'or, pour culminer finalement dans le jeu de flûte où, sous l'emprise d'une béatitude et d'un ravissement quasiment insupportables, il prit pleinement conscience de sa véritable puissance et de son existence encore inachevée sur terre.  

Tout cela, Adam l'avait invoqué en lui sans le savoir, il referma en même temps la plaie béante gisant dans le cœur du serpent. Lui seul sut maintenant ce qui manquait si cruellement à Adam. C’est pourquoi il prit la décision de se révéler à Adam dès la nuit tombante. Le croissant de lune apparut déjà dans le ciel crépusculaire lorsqu'un dernier rayon de soleil fit briller la parure de plumes du reptile serpentant comme une couronne d'émeraude subtile. Tout devint clair alors pour le serpent. Plein de joie, de feu et de flammes, il regarda le fils de Dieu s'éloigner et prit secrètement congé de son père en esquissant un sourire des plus énigmatiques sur ses lèvres cramoisies telle une déesse naissante et donnant naissance. Adam ne pût trouver de repos. Il errait sans cesse par ci et par là et voulut même disparaître dans les entrailles de la terre. Il avait honte dans toute son âme et ses yeux ne cessèrent de se mouiller sans qu’il pût ouvrir les vannes de son cœur meurtri. Pourquoi Dieu l'avait-t-il soumis à cette épreuve autodestructrice ? Était-il encore Adam, le fils de Dieu ? N'était-il pas désormais un paria, un membre inutile et démembré, un zéro incisé dans le néant abyssal dont une puissance inconnue lui avait arraché la moitié de son âme et de son cœur ?La vérité était désormais cadenassée en lui, clouée par des étoiles inviolables, il se sentait comme crucifié, banni, condamné, rejeté par un mauvais sort comme un cadavre sur la terre, Plus jamais il n’aurait la prétention, et encore moins le courage, de reprendre le flambeau de la vérité dans sa main calcinée. La petite flamme blafarde qui brûlait en lui fut éteinte par une immense vision de feu. O, s'il pouvait seulement mourir maintenant, sa souffrance serait enfin terminée ! Mais Dieu, son Père, se tut et dédaigna son sacrifice suprême. Ah, comment osa-t-il encore parler de Dieu ? Il ne le connaissait pas du tout et sincèrement est-ce qu’il l'avait vraiment connu un jour ? C'est sans doute pour cette raison qu'il l'avait perdu, qu'il devait le perdre définitivement ! Avec le dernier son de flûte il s’est enfui pour toujours ! Oh, si les animaux savaient ! Ô nuit d’Ahasver ! Ô Adam damné ! Adam revint inopinément à l'arbre du destin, et cela ne l'étonna point. Le malfaiteur ne retournait-il pas tôt ou tard sur le lieu de son crime ? Le croissant de lune était suspendu comme une faucille tranchante dans l'arbre, alors qu'Adam, dans son désespoir le plus profond, s'agenouillait à terre et priait son Créateur avec ferveur. Mais qu'est-ce que c'était ? N'entendit-il pas soudain le doux son d'une voix flutée qui lui parlait de plus en plus clairement, qui lui chantait même ?   

"Adam, mon bien-aimé, réveille-toi. » Et la voix sibylline continua de chanter : « Finie la morne litanie des heures, le rayon de l'éternité se pointe enfin. Ne te morfonds pas et ne pleure plus, car c'est moi, Ève, ta femme promise depuis l’éternité, qui suis venue te guérir comme tu m'as guérie. Le fruit doré du temps est devenu mûr pour nous deux. Lève-toi, mon bien-aimé, et regarde-moi. Lève-toi et reconnais-moi. »  Elle était là, devant lui, nue et d'une beauté ineffable, Ève, la femme dont il avait toujours rêvé.   

Et Adam, la reconnut dans un éclair, Ève, sa femme promise depuis des temps immémoriaux, sa révélation voilée, son étoile brillante du matin et du soir, sa lune ensoleillée, son phare dans l’obscurité ! Un nouveau jour se leva triomphalement en lui et effaça les derniers vestiges de sa longue et insupportable peine.  

Et Ève dit : "Je suis toi, et tu es moi. Nous ne faisons désormais plus qu'un, et rien au monde ne pourra plus nous séparer ou desceller notre union. O je vois bien ce que tu as pu souffrir mais sache que j’ai également souffert et peut-être encore plus que toi. Chacun de nous deux a dû traverser ce sombre labyrinthe de douleur et de désespoir pour pouvoir nous retrouver intégralement au bout du même chemin. Me voici ici et toi tu es là. Ce lieu sera sanctifié par notre union pour l’éternité. Ô mon bien-aimé, donne-moi maintenant ta douce main, afin que nous puissions vaincre la mort et accomplir le surhumain, car nous devons passer par ses portes mortifiantes en nous tenant par la main ! ».  

Et Adam lui répondit en chantant :  

"Ô Ève, ma femme bénie et adorée, je t'ai enfin trouvée et reconnue dans la lumière sidérale de tes yeux, dans l’harmonie et la plénitude de tes seins, dans la mer de délices débordantes de ton cœur, je me suis retrouvé pour toujours et y ai installé ma demeure dans tes innombrables jardins que je cultiverai tous les jours. Mon amour pour toi est plus fort que la mort.   

Ô Ève, je n'ai pas peur d'elle, ni le vertige de son sombre pouvoir, seuls m'effraient ton indicible beauté et le débordement de mon amour infini pour toi ! »  

"Et grâce à ton amour incommensurable, ô mon doux époux et maître, je manifesterai grâce à de nos corps unis toute la splendeur et l’inépuisable    plénitude de l’univers afin que la création puisse guérir à nouveau et prospérer grâce à la source intarissable de notre amour ! «   

Déjà le soleil ouvrit la porte orientale, lorsque leurs voix s’unirent une dernière fois sur les plaines verdoyantes de la terre comme deux papillons ivres.  

"Et le conte de fée nous achèvera".  

"Oui, c’est notre promesse. Le conte de fée nous achèvera. Ils s'approchèrent alors de l'arbre, le cœur raffermi, et cueillirent la pomme de la connaissance de la vie et de la mort. Ils la mangèrent et moururent paisiblement en intégrant la création supérieure, accompagnés de la musique sphérique et du chant joyeux des oiseaux qui s'éveillaient à la lumière triomphale du soleil. "Adam !!! " Un coup de tonnerre secoua la terre. "Adam, où es-tu ?!! " cria à nouveau Dieu d'une voix s’amplifiante. Mais Adam ne répondit pas. Seul l'écho de sa voix brisée lui revint de manière fantomatique et Dieu ressentit pour la première fois de sa vie l'horreur et l'amertume de son existence solitaire. Ses mauvais pressentiments s'étaient donc avérés, et le cauchemar qui l’avait hanté cette nuit-là se révélait maintenant dans toute sa réalité. Car Dieu rêvait que le livre de la création lui échappait à nouveau des mains et que les milliers de pages s'éparpillaient à nouveau dans toutes les directions. Il parvint cependant in extremis à sauver la feuille d'Adam et la tint serrée contre son cœur quand pour parachever le malheur de Dieu, elle prit subitement feu et il vit sortir de ses cendres le serpent maudit qui s'enroula autour du tronc d'Adam avant de l'engloutir complètement sous ses yeux. O, ce fut un réveil brutal pour Dieu qui se précipita aussitôt sur la terre pour prévenir du   danger qui menaçait Adam. Mais une fois de plus, il arriva trop tard. Le serpent avait déjà accompli son œuvre diabolique et lui avait volé sa dernière consolation, son fils Adam. Il hurla si fort que le globe entier se mit à convulser et exploser de toutes parts. D’énormes coulées de lave s'en échappèrent et ne laissèrent derrière elles que de la terre brûlée. "Honni sois-tu serpent pour l'éternité, » ce furent ses derniers mots avant que Dieu ne retournât dans la voûte céleste qui se refermait aussitôt sur lui avec force chocs et fracas. Les années, les siècles, les millénaires s’écoulèrent. Ce n’était que lentement, mais régulièrement, que la Terre pût se remettre des nouvelles blessures que Dieu le Père lui avait infligées. Ce fut sans doute la période la plus amère et la plus douloureuse qu'elle dût traverser, mais comme son Créateur l'avait apparemment complètement oubliée et ne cherchait plus à la hanter, elle put bientôt se ressourcer à l’aide de ses propres forces, et toute la vie sur la terre commença à fleurir et à s'épanouir avec une nouvelle richesse   insoupçonnée.  

A vrai dire il y avait soudain en elle un charme que les créatures terrestres n’avaient jamais expérimenté auparavant et grâce à la force curative et inépuisable de cette nouvelle source magique, même les blessures les plus graves ne tardèrent pas à se refermer et à guérir. Pour la première fois depuis des temps immémoriaux, le blé dorait les vallées ondulées, et sur les montagnes bleues éclatèrent les fleurs étoilées du mirabilis, de l'edelweiss et du lys anastasia.  

Mais en haut Dieu était assis seul sur son trône, taciturne et replié sur lui-même, et même le chant des étoiles ne pouvait plus le divertir ou l’égayer un peu pour soulager sa peine.  

Au fond de son cœur, la blessure grave que le serpent lui avait infligée s'infecta de jour en jour et lui causa les plus grandes souffrances. Il eût donné le royaume entier avec son trône bancal et sa couronne fragile, pour récupérer son unique trésor, tant il aimait son fils, et cet amour, privé de lumière et de vie, lui causait la plus grande douleur.   

Depuis ce jour fatidique, il ne se souciait plus du tout de la terre qui risquait désormais de faire naufrage dans l’océan déchainé par sa rage. Le sombre destin de la terre ne l’émouvait plus.   

Dieu se reprocha en revanche d'avoir perdu la page maudite avec laquelle il aurait pu faire revenir le serpent jusqu’à lui et extirper de sa langue fourchue le dernier secret.  Dieu se lança alors dans une nouvelle entreprise éperdue. Il envoya une armée d'anges aux quatre coins du monde, dans tous les recoins de la terre, pour retrouver les pages perdues.   

Il s'agissait à vrai dire d'une tâche titanesque et a priori déjà condamnée à l’échec, mais une chance inouïe voulut qu'au bout de quelques jours seulement, toutes les pièces manquantes furent retrouvées, apparemment intactes et au complet.  Il s’agissait bizarrement des feuilles accrochées dans l'arbre sous lequel Adam avait joué de la flûte et dans lequel Dieu et le serpent s'étaient cachés sans se voir. Les premières questions que Dieu posa hâtivement aux anges étaient de savoir s'ils avaient vu Adam ou le serpent maléfique et si la terre portait les stigmates de l’enfer.   Mais un ange lui répondit : "Nous n'avons vu ni Adam, ni le serpent, et tout ce que nous pouvons te dire de la terre, c'est qu'elle ne portait ni les stigmates de l’enfer, ni l'ombre d'une quelconque puissance ténébreuse, mais bien plutôt les lignes et formes délicates et gracieuses d’une présence indubitablement divine. »  

« Ô Père céleste, nous autres anges, nous t'implorons ! Aie pitié de la terre orpheline et sans abri, car nous ne pouvons plus tolérer que tu continues à la mépriser sans aucune raison apparente. »  

Mais à peine l'ange avait-il prononcé ces paroles dont l’audace dépassa tout ce que l’on n’avait jamais entendu jusqu’ici au paradis que Dieu se leva d’un bond de son trône et s'écria : "Malheur à toi d'avoir parlé de sorte ! Les anges irréprochables commencent-ils maintenant aussi à se rebeller contre leur Créateur ? Ne suffit-il pas que le mauvais germe ait déjà été planté dans la terre ? Faut-il que vous le plantiez aussi dans mon ciel et que vous le semiez dans mes parterres de roses pour que l'épine remplace la fleur ? Mais je ne vous retiens pas, je ne veux plus retenir quiconque qui veuille s'adonner au satanisme et à la rébellion ! Pars qui veut ! Et achève l'œuvre de Satan ! Que ceux qui préfèrent ne pas perdre le royaume des cieux restent avec moi et que les autres s’en aillent en enfer ! "  

Les plus courageux des anges décidèrent alors de prendre leur bâton de pèlerin et de tourner définitivement le dos à celui qui les avait trahis.  

Et Dieu les laissa partir et ne put s'empêcher, une fois de plus, de maudire le pouvoir invisible du diable qui semblait non seulement gagner la terre, mais aussi son ciel, sans qu'il puisse faire quoi que ce soit pour l'en empêcher.   

Il considérait néanmoins comme un bon présage le fait qu'il possédait désormais tous les moyens nécessaires pour faire venir le serpent jusqu’à lui et s'empressa de reconstituer les milliers de pièces de la mosaïque en une image homogène et déchiffrable. Bien que les signes et les symboles secrets et insaisissables se fussent gravés en lui de manière indélébile, il ne parvint apparemment jamais à les reconstituer dans leur totalité à l'aide des feuilles.   

Il passait des nuits et des jours entiers à échanger les pièces du puzzle, mais plus il s'adonnait à ce jeu complexe, plus ses yeux semblaient s'aveugler et sa conscience se brouiller tant et si bien qu'il abandonna finalement son entreprise hasardeuse, s'affaissa mort de fatigue sur son trône. Alors il tomba aussitôt dans le sommeil le plus profond que l’on puisse imaginer.  

Une fois de plus, Dieu eut un rêve étrange et prophétique. Il était assis, à nouveau, sous l'arbre dénudé.  Une légère brise souffla dans sa cime et fit tomber la dernière feuille qui y resta encore accrochée.   

C’est alors que Dieu se rendit compte dans un éclair de génie pourquoi il ne parvenait pas à achever son puzzle. Dans leur hâte ou leur négligence, les anges avaient oublié de s'emparer de la dernière feuille ce qui par conséquent vouait à l’échec sa tentative désespérée de vouloir reconstituer la formule magique du serpent. Lorsque Dieu se réveilla il se mit immédiatement en route et se rendit sans détour à l'arbre qui à sa grande surprise fut toujours au même endroit et dénudé comme son rêve le lui avait prédit.   

Une feuille solitaire suspendue tout en haut de l'arbre attira de suite son attention. Allait-il enfin réussir à briser le terrible sortilège du serpent et faire mentir son emprise victorieuse ?   

À peine toucha-t-il la feuille tant convoitée qu'un éclair frappa le sol juste devant ses pieds et l'arbre sur lequel il se pencha s'abattit sur lui avec fracas. Et le serpent sortit du tronc fendu et se redressa puissamment devant le dieu agenouillé.  "Ô Satan, pardonne-moi ! Je n’ai pas voulu te tenter », dit-il d'une voix suppliante. "Ô Satan, je t'en prie !  Je l’ai fait uniquement pour Adam, pour mon fils bienaimé. »  

"Depuis quand, ô stupide Arlequin, Dieu tente-t-il Satan et joue-t-il avec le feu jusqu'à ce qu'il s'y brûle ?   

Et quel joli nom m’as-tu donné pour me gratifier maintenant si gracieusement, du nom Satan ! Mais Il me semble encore bien plus doux et juste que le mot Dieu que tu as arraché de force à l'Innommable et que tu as fait tien dans ta mégalomanie !  Qui de nous deux est donc le vrai Satan, je te le demande enfin, ô Dieu ! "dit le serpent en regardant Dieu avec des yeux tantôt compatissants, tantôt triomphants.  

« Mea culpa, pauvre de moi, je sais que j'ai commis erreur sur erreur, et que pour Dieu, dans sa Toute… ! »   

"Silence !« l’interrompit sèchement le serpent, "Je connais cette chanson pathétique de la morale et de l'autosatisfaction, le coup d'aile de la mauvaise conscience qui ronge le meilleur de nous-mêmes, la toile d'araignée finement tissée avec laquelle tu attrapes facilement la proie ! «   

« Non, ô Dieu, ta faute est bien plus grande, et tu dois creuser encore bien plus profondément pour la trouver et l’extraire devant tes yeux si tu ne veux pas retomber dans le brouillard de tes sentiments roses et incertains qui, dès demain, au premier vent de l'égoïsme et de l'apitoiement sur toi-même, s'envolera dans ton ciel gonflé comme une baudruche avant qu’elle n’éclate au grand jour ! «   

« Si tu veux savoir…ta plus grande bêtise a été de te proclamer dieu unique, et ta pire faute impardonnable a été d'avoir agi comme un impie. En fait, tu mériterais le châtiment suprême".  

"O non, épargne-moi les tourments éternels ! Tu ne peux pas me faire ça, ô puissant dieu-serpent ! " se plaignit à nouveau le dieu déchu.  

"Les tourments éternels ne sont qu’un autre fantasme infâme inventé par une créature cruelle et sans cœur.  

Quand cesseras-tu de proférer de tels mensonges servant uniquement à assujettir et à tyranniser tes sujets ! Raconte-moi plutôt quel châtiment approprié tu veux t’imposer pour que justice soit enfin rendue à la terre et à ses créatures ?" lui demanda le serpent imperturbablement. "La mort, et rien d'autre."  

« Ô tu sais ce que tu viens de dire ?"  

"Oui, je le sais. Ma sentence pour moi est la mort ! "   

« C’est ainsi que tu viens de prononcer ta première parole de sagesse et d’abnégation car ta mort nous délivrera à jamais de ton despotisme et de ta tyrannie. 

Et quelle est ta dernière volonté ? "  

« De voir une dernière fois mon fils Adam ! "  

« Tu viens de prononcer ta première parole divine, car l'amour pour ton fils te rachètera. Et où veux-tu que ta mort te conduise ? »   

"Vers le Suprême… !"  

" Alors la vraie Origine de toutes choses te sera révélée. »  

« Qu’il en soit ainsi ! »  

« Et une fois face à lui, que lui diras-tu ?", lui demanda à nouveau le serpent. "Que je veux me sacrifier pour les erreurs impardonnables que j'ai commises en son nom. »   "Oh, tu viens de prononcer ta première parole désintéressée, car par ton altruisme et ton sacrifice personnel, tu pourras aider la terre à retrouver sa destination divine. En vérité, tu m'étonnes profondément, et j’éprouve un peu de respect envers toi. Pour la dernière fois, je te demande maintenant… es-tu toujours prêt et déterminé d’accepter la mort de ma main ? "  

« Fais comme bon te semble ô insondable dieu-serpent, je suis prêt au sacrifice suprême. »  

"Regarde donc sans crainte le visage de la mort et oublie toutes les fautes que tu as commises par le passé. Sache que je suis la cause première de toute existence, je suis l'élixir d’amour qui consume son feu éternellement entre la mort et la vie à instar du phénix qui ressuscite de ces cendres et je t'anéantis uniquement pour que tu puisses accéder à une marche supérieure. Alors, la Porte de la Gloire s'ouvrira à toi aussi, après que tu auras sondé et surmonté ta nuit une dernière fois. Mais méfie-toi de l'ombre et des griffes de ta mauvaise conscience. Suis et fais confiance à mon seul commandement", dit le serpent. Il fit couler ensuite son venin guérisseur dans le cœur de Dieu jusqu'à ce qu'il sache qu'il était prêt à mourir.  Et Dieu, mortellement touché au cœur par la morsure du serpent, s'affaissa sur la terre maternelle.   

Alors que le doux venin du serpent commençait à agir en lui, il creusa ses mains massives dans la chair de sa mère, qu'il avait si souvent flagellée et recouverte de vilaines plaies par le passé. Il sentit soudain, avec une ferveur et une délectation frissonnante, comment la terre nourricière s’apprêtait à se blottir contre lui et à l'accueillir, en signe de pardon, dans son giron abyssal.   

Un fossé noir sans fond s'ouvrit à nouveau sous lui, faisant défiler une dernière fois devant son œil interne les images douloureuses de sa vie passée, jusqu'à ce qu'elles disparaissent comme un mauvais souvenir. O quel poids énorme ne s’était pas détaché de lui à cet instant !  

Il était guéri ! Dieu avait été mis au tombeau, mais lui, il était debout et s’abreuvait à volonté à la fontaine de jouvence !   

Libre comme un oiseau, son âme fut capable maintenant de s'élever vers de plus hautes sphères ! Un sourire trembla sur ses lèvres. Ses yeux émerveillés s’ouvrirent tout grand sur son visage baigné de larmes. Puis la nuit laissa tomber sa robe de lin noir. Nu comme elle il sentit la mort proche, mais la nuit aussi fut chaude et douce et ne portait plus le masque de la terreur.  

Au loin une cloche retentit, cristalline. Des trompettes retentirent, des voix s'élevèrent. La musique céleste se rapprochait de plus en plus. La nuit se déchira en deux et il vit des mondes immenses se déployer au-dessus de lui, déversant leur lumière diaprée dans l'espace entier.  

Des soleils géants roulèrent comme des roues fracassantes et étincelantes à travers l'univers en gestation, donnant naissance à d’autres planètes et soleils tournoyants dans une nouvelle extase infinie et inépuisable.   

Les galaxies lointaines s'envolèrent en battant rythmiquement leurs ailes constellées à travers les espaces bleus de l'éther, destinées à conquérir d’autres pays et aventures inconnues et riches de trésors ineffables et de puissances divines.  Un sommet en dominait un autre, un univers en embrassait un autre, il n'y avait pas de fin aux marches et échelons qui s’élevaient vers la béatitude.   

Il comprit alors que lui aussi n'avait été qu'un instrument entre les mains d'une volonté et d’une puissance infiniment supérieure et insondable, il fut soudain pris d'une peur si profonde du Tout-Dieu qu'il voulut reprendre la fuite et disparaître à jamais dans l’abîme.   

Mais à cet instant décisif, un jeu suave et velouté de flûte si familier parvînt à ses oreilles ! Il appela alors de tout son cœur son fils Adam, comme s'il se réveillait d'un dernier mauvais rêve.   

Enfin son fils bien-aimé lui apparut dans toute sa splendeur. Son dernier vœu le plus cher fut ainsi exaucé, et il sentit avec une joie libératrice, croissante, flamboyante, qu'il était désormais libéré de toute peine et de toute tribulation.  Titubant, encore étourdi et submergé par cette splendeur quasiment insupportable, il se rendit, sur un signe d'Adam, dans la création supérieure, où le son de la flûte n'en était que plus enivrant.   

Il vit alors le serpent obéissant aux sons extatiques, s'enrouler avec encore plus de ferveur autour de l'univers entier et donner naissance à un nouveau monde à partir de sa matrice universelle. "Ewe !!", entonna le chœur des anges triomphalement et leur chant ondulé résonnait en s’étendant jusqu'aux rivages les plus lointains de l'univers. "Ewe ! Ewe ! " Le miracle fut accompli.   

La terre jonchée de myriades fleurs glissa tel un bateau ivre vers l’horizon de lumière. Sous les étoiles souriantes. Un chant profond. Un conte de fée. La lune plongea dans la mer pourpre de l'aube. Vêtu de mille feux et flammes le soleil se leva sur sa nouvelle création !  

  

  

  

  

                                       Les sept pierres            

Les sept pierres des sages, dans l'Unique, le Noir, invisible, inaccessible, impondérable, incommensurable, inflexible, insondable, inépuisable et ce n'est que lorsque la lumière le pénètre et l'éclaire de l’intérieur qu'elle se décompose en sept pierres invisibles pour les profanes, mais visibles pour les sages, les sept pierres philosophales. 

 

Première pierre. Diamant. Blanc  

Deuxième pierre. Saphir. Bleu  

Troisième pierre. Rubis. Rouge 

Quatrième pierre. Une émeraude. Vert 

Cinquième pierre. Topaze. Jaune 

Sixième pierre. Granite. Gris 

Septième pierre. Quartz de roche. Incolore                                                 

PREMIÈRE PIERRE. DIAMANT. BLANC. 

Blanc et innocent comme un flocon de neige, blanche et pure comme la fleur de lys, blanc et lumineux comme le plumage de l'aigle dont parle cette pierre miraculeuse. 

Ses parents avaient cruellement péri dans une tempête qui s'était déchaînée il y a quelques jours dans les hautes montagnes, détruisant et emportant tout sur son passage. Pour comble de malheur il ne restait au jeune aigle plus qu'une minuscule plume qu'il avait réussi à arracher à sa mère lorsque que la tempête qui faisait rage, l’emporta loin de sa vue jusqu’à ce qu’elle disparaisse à jamais.  Il la tenait maintenant tremblante dans son bec crochu, croassa et se plaignit, son estomac vide grondait et gémissait, ses parents étaient morts et dans ses yeux embués brillaient deux larmes comme des diamants.  

Il s'était déjà efforcé maintes fois de bouger ses ailes, de voler, mais son nid étroit et la peur soudaine qui le saisit lorsqu'il vit l'abîme béante, anéantit aussitôt son entreprise. 

Il s'était déjà fait à l'idée qu'il allait mourir de faim, quand il aperçut soudain un vilain petit moineau à ses côtés, sautant de rocher en rocher à la recherche de nourriture pour sûr. La tempête avait dû le transporter jusqu’au sommet de la montagne sinon, comment ce petit être emplumé avait-il réussi à atteindre le territoire des aigles royaux ?  

Le moineau s’approcha déjà de si près de l'aigle que le rapace aurait pu facilement le tuer d'un seul coup de bec. Mais une voix puissante plus impérieuse et convaincante que le cri de détresse de son estomac affamé, lui souffla soudain dans ses oreilles : "Ne le tue pas ! Ce moineau va te sauver « ! L'aigle croassa de joie. Le moineau l'aperçut aussitôt et s'envola, effrayé, lorsque l'aigle lui héla : "Arrête-toi ! N'aie pas peur ! Ne t'envole pas ! Attends ! Je ne veux pas te manger !" 

Le moineau, en entendant la voix suppliante de l'aigle, se posa sur un promontoire rocheux à une distance raisonnable et hors du danger de l’aigle jusqu'à ce qu'il pût s'assurer que ce grand oiseau blanc, recroquevillé sur lui-même et par surcroît visiblement amaigri jusqu’aux os que ce rapace fût incapable lui faire de mal pour le moment.  

« Comment te croire ? Tu veux peut-être me manger en dessert ?", dit enfin le moineau en s'apprêtant à s’envoler de nouveau de ce périlleux endroit avant qu'il ne soit pas trop tard. Mais l'aigle n'était pas encore en mesure de lui donner la moindre réponse. La gorge nouée et le cœur battant, il fixait le moineau comme un mirage qui allait s'évaporer à tout moment et le condamnerait définitivement à la mort.  "Ton bec est aussi pointu et rapide qu'une flèche et tes yeux me regardent comme s'ils allaient me dévorer sans hésiter », poursuivit le moineau en se demandant secrètement pourquoi, contre toute raison et toute prudence, il continuait à tenir compagnie à cette espèce d’oiseau déplorable au lieu de s’évader à la vitesse de l'éclair !  

Enfin, l'aigle se ressaisit : "Ne vois-tu pas oiseau providentiel dans quel grand danger et quelle misère je me trouve ? J'ai perdu mes parents lors la tempête qui me les a enlevés sous mes yeux, je ne possède plus rien au monde depuis ce jour fatal, et bientôt je serai si maigre et émacié qu'un simple souffle de vent suffira pour me jeter dans l'abîme », soupira-t-il et deux grosses larmes brûlèrent à nouveau dans ses yeux.   « A quel point ta faim doit alors être grande pour que même un petit moineau comme moi soit une proie appropriée, » piailla le petit oiseau, effrayé.  

"Pourquoi ne cesses-tu pas de te moquer si méchamment de moi ? Admettons que si je te dévorais maintenant tout cru, ma faim serait à peine calmée et ma détresse serait plus grande encore !", rétorqua l'aigle. 

« Pourquoi alors ne t'envoles-tu pas et ne cherches-tu pas toi-même ta nourriture ?", continua de piailler le moineau, dont la méfiance envers l'aigle ne fit que croître.  

"Ne vois-tu toujours pas à quel degré misérable je suis faible et impuissant ? Et voler ? Mon Dieu, je ne sais même pas ce que ça veut dire ! » dit l'aigle en lançant derechef des regards implorants au moineau. 

Celui-ci ne put finalement s'empêcher de dire : "Bon, pour aujourd'hui, je veux bien t'aider mais comment ? ».  

"Ne pourras-tu donc pas pourvoir à ma faim, toi, petit oiseau providentiel ? Et m'apprendre à voler ?", gloussa l'aigle, tout excité, en battant des ailes.  Et sans répondre le moineau s'envola déjà à la recherche de nourriture et revint bientôt avec les premiers insectes et baies noires qu'il avait récoltés en chemin pour son nouveau compagnon.  

Les jours suivants, il chercha inlassablement de la nourriture et l'aigle, malgré une grande aversion pour cette nourriture inhabituelle, dévora avidement tout ce que le moineau lui présenta.  

Au cours des semaines et des mois qui suivirent, il se rétablit et grandit si bien qu'un jour, il osa dire au moineau :  "Et maintenant, apprends-moi à voler".  

Le nid gênant fut enlevé, les ailes, de jour en jour plus blanches et plus duveteuses, furent lissées et nettoyées minutieusement.  

La nouvelle période d'apprentissage de l’art du vol pouvait enfin commencer !  L'aigle fut un excellent élève, car il maîtrisa bientôt le battement rythmique des ailes, l'envol et l'atterrissage, et il exploita si bien chaque léger courant d'air que le moineau ne put que s'émerveiller. Le jour approcha donc oùl'aigle osa ouvrir ses ailes au-dessus de la vallée, car auparavant ils n'avaient fait que voler de rocher en rocher et revenir à l'endroit où se trouvait son nid. "Montre aux altières montagnes ce que tu as appris de moi et d’elles !", lui cria le moineau, alors que l'aigle déployait déjà ses ailes géantes et s'envola vers les sommets culminants. 

Jamais le moineau n'avait vu un oiseau aussi magnifique et majestueux dévoiler sa beauté divine en vol ! Son plumage blanc comme neige étincela d'or, de cuivre et de diamant au soleil couchant, et l'aigle planait longtemps et loin des yeux terrestres, frôlant les nombreuses cimes enneigées qui semblaient incliner respectueusement leurs têtes ancestrales devant l'oiseau royal qui replongea dans les dépressions en s'élevant à nouveau à des hauteurs vertigineuses, de sorte qu'on ne distingua plus de lui qu'un point minuscule dans la voûte céleste.  

Alors que le soleil jeta ses derniers rayons dans les vallées, l'élève magistral revint vers son instructeur en déployant tout l’empennage de son habit lumineux avant de se poser sur le rocher, tout près du moineau. 

« J’estime que dorénavant tu n'auras plus besoin de mes services. J'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir et, en vérité, cela valait vraiment la peine d'être le maître d'un élève aussi doué, car peu d'oiseaux ne pourront jamais égaler ou surpasser l'harmonie et la force de ton vol à part toi !", dit furtivement le moineau en le regardant timidement de côté, comme ébloui par la beauté démesurée de l'aigle.  

"Je te serai éternellement reconnaissant. Je n'oublierai jamais ce que toi petit oiseau, tu as fait pour moi, mais en survolant mon territoire millénaire j’ai pris pleinement conscience de mon pouvoir d’aigle. Je n'ai plus besoin de toi, comme tu l'as si bien dit, et je vais te dévorer maintenant !" 

Le moineau ne ressentit pas la moindre frayeur lorsqu’il vit s’ouvrir le bec de l’aigle qui le happa et le dévora d’un seul coup. 

Il ne vit plus qu'un long tunnel débouchant sur un foyer chaud et accueillant, dont une grande lumière dorée s'échappa ! 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DEUXIÈME PIERRE. SAPHIR. BLEU 

Bleu comme le poisson dont parle cette pierre miraculeuse. 

Après avoir longuement arpenté son royaume et n'avoir retrouvé aucun signe indiquant que ses parents étaient encore en vie, l'aigle se détourna des montagnes et continua à voler vers le sud en suivant sa voix intérieure, jusqu’au jour où il atteint la mer. 

La lumière du soleil trônait en son centre d'un bleu profond et semblait se transformer en feu liquide avant d'éclater en milliers d'éclats de diamants sur le rivage et d’être absorbée par le sable. 

L'aigle se posa sur l'une des nombreuses falaises pour contempler la puissance et l'immensité de l'océan et resta là, silencieux et admiratif, quand il aperçut soudain un poisson s'agiter et se tortiller sur la plage de galets. Son comportement pour le moins bizarre attisa sa curiosité. 

Il finit par se lever à contrecœur et se dirigea vers l'endroit en question. Il fut étrangement ému lorsqu'il y découvrit un poisson bleu, proche de l'asphyxie, qui cherchait désespérément l'air.  

Ses innombrables écailles étincelaient comme une mosaïque composée de mille turquoises variées, lorsque l'aigle pris par une furie incoercible, saisit le poisson et le rejeta dans son élément liquide.  

Mais celui-ci lui répondit avec frayeur : "Ne fais pas ça ! Je t'en prie ! La mer m'a banni sur cette plage, enlevé comme un morceau de bois inutile qui flotte dans ses eaux. Veux-tu vraiment que demain je sois de nouveau rejeté sur cette plage ? Ne le fais pas, oiseau téméraire et laisse-moi seul face à mon destin ! Je dois mourir et je ne veux pas m’y opposer !" 

L'aigle fut soudain très peiné de voir suffoquer le poisson sans qu’il pût lui venir en aide. Alors une grande pitié l’inonda telle une grande vague déferlante.  Finalement il tourna son visage plein de colère vers la mer et cria dans les vagues qui y montaient et descendaient sans relâche : "Ô mer pleine de mystères et de curiosités, pourquoi méprises-tu de la sorte tes enfants et les sacrifies-tu sur ton autel de saphir ? ». 

Et comme si la mer avait entendu sa terrible accusation, elle enfla ses vagues jusqu’aux griffes de l'aigle et la mer monta sans cesse, gargouillant et éructant autour de sa tête couverte d’algues et d’embrun, quand soudain une vague énorme gronda devant l'aigle, s’abattit avec fracas sur lui et l’entraîna au fond. Puis tout redevint calme.  

Lorsque l'aigle rouvrit les yeux, il se vit entouré d'innombrables poissons qui le scrutaient et l'observaient de tous côtés avec curiosité, et il ne tarda pas à reconnaître le poisson de la plage qui s'approchait déjà de lui dans un bleu céruléen et lui dit : " Tu as exaspéré la mer mais comme tu peux le constater, elle t'a pardonné sinon tu serais déjà mort depuis longtemps et tu n’aurais pas reçu le même don que nous autres poissons, de pouvoir respirer et vivre en son sein. Tu vas maintenant être ramené à la surface de la mer afin de pouvoir continuer ton chemin." 

Aussitôt dit un banc de poissons multicolores se rassembla autour de l'aigle et l'emporta lentement vers la crête des vagues.  

Une douleur lancinante transperça ses poumons lorsqu'il aspira à nouveau sa première bouffée d'air et s'apprêta à s'envoler lorsqu'il replia promptement ses ailes, car il lui vint soudain à l'esprit qu'il voulut poser une dernière question à l'énigmatique poisson bleu, qui émergea déjà du banc de poissons chatoyants et apparut devant lui.  

"Pourquoi as-tu été rejeté par la mer ?", lui demanda enfin l'aigle.  

Et le poisson bleu lui répondit : "L'eau est une combinaison de deux gaz, relié par un feu ondulatoire dont le nom est l’éther. Celui qui a expérimenté une fois cette plénitude trichotomique, connaîtra désormais la loi de la création et de la destruction et le milieu qui mène à l'immortalité. J’y étais presque arrivé mais la mer m’en a empêché pour une raison que j’ignorais jusqu’alors." 

L'aigle réfléchit longuement à la réponse du poisson. Finalement, il ne put s'empêcher de lui demander une nouvelle fois : « Pour quelle raison la mer t’a donc sorti de ton giron comme un avorton ? »  

"Parce que je porte la couleur de la mer et que je lui suis invisible, comme toi, l'aigle, toi qui respires l'air sans en connaître ni la couleur ni la forme ni sa teneur, bien qu’il s’agisse du principe qui te nourrit et te porte tout au long de ta vie", répondit le poisson, et avant que l'aigle ne sût ce qui lui arriva, le poisson sauta déjà dans son bec qu’il avait ouvert tout grand d’étonnement.  Il entendit encore une musique douce et délicieuse lors que ses ailes se détachèrent de l’océan et l'emportèrent à nouveau vers la terre. 

 

 

TROISIÈME PIERRE. RUBIS. ROUGE 

Rouge comme le sang. Rouge comme le crabe dont parle cette pierre miraculeuse. 

L'aigle vola durant de nombreux jours et de nombreuses nuits, il vit toujours l’immensité de l’eau s'étendre sous lui comme une toile métallique qui semblait ne vouloir s'arrêter nulle part. Soudain sous lui il découvrit une petite île qui sortait de l’eau écumante comme un rocher massif, défiant les vagues qui déferlaient sans relâche sur sa forteresse.  

L'aigle se dirigea vers cette île bienvenue, car ses ailes étaient fatiguées par le long trajet et ses yeux endoloris aspiraient au sommeil et son corps à une motte de terre sur laquelle il pouvait se poser. 

Dès que la nuit commença à tomber, il sombra aussitôt dans un profond sommeil dont il ne se sortit qu'à midi le lendemain quand le soleil était au zénith. 

Le vent jouait avec ses plumes, les vagues enlaçaient incessamment les flancs pourpres du rocher sur lequel il dormait et se reposait.   

Quand il ouvrit les yeux et accueillit le jour nouveau, il prit alors la décision de continuer aussitôt son voyage, mais un crabe caché dans une crevasse, attira immédiatement son attention car sa carapace épaisse et d’un rouge vif brillait dans l'eau comme un feu concentré. 

"Comment se peut-t-il que ce crustacé brûle dans l’eau tel un feu alors que l'eau éteint le feu ? ", se demanda l'aigle en poussant prudemment le crabe avec son bec crochu. Celui-ci, effrayé, ses pinces aiguisées dressées vers l'intrus, disparut au fond de la crevasse.  

"Ne me touche pas encore fois sinon tu le regretteras toute ta vie ! », menaça le crabe dont la carapace dorsale s'embrasa d'un rouge terrifiant. 

« J’aimerais savoir pourquoi ta petite boule de feu défie l’eau dans laquelle tu te baignes nonchalamment ? », dit l'aigle sans se douter du grand danger qu’il encourut.   "Méfie-toi blanc bec ! Tu ne riras plus si tu me touches encore une fois, car en moi s’allient toutes les forces de la nature concentrées dans chaque atome de ma carapace. Ne t’avise pas d’en faire la cruelle expérience !" l'avertit le crabe. 

"Pourquoi devrais-je te craindre et avoir peur de ta carapace ?", répondit l'aigle en essayant d'attraper le crabe avec ses griffes, mais celui-ci s'accrochait déjà si vite aux pattes de l'aigle qu’il ne put plus éviter le tranchant des pinces, et une grosse goutte de sang jaillit subitement de la terrible blessure que le crabe y avait taillée. Elle colora en quelques secondes la mer en rouge. 

L'aigle poussa un tel cri de douleur que l'océan se mit à écumer tout autour de lui et d’un seul coup de bec l’aigle brisa la carapace du crabe, l'engloutit d’une pièce et disparut comme une flèche enflammée dans l’immensité de l’univers.  Il ne vit plus l’île rocheuse. Elle s’enfonçait sous lui dans la mer agitée. Un arc-en-ciel se forma au-dessus des geysers qui montaient de la terre au ciel. L'aigle atteignit bientôt les rives noires de l'Afrique et se dirigea vers le sud, toujours plus loin, dans une croissante extase. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

QUATRIÈME PIERRE. Émeraude. VERT. 

Vert comme le serpent dont parle cette pierre miraculeuse. 

L'aigle arriva dans le désert appelé Sahara et se posa sur un crâne dont la tête massive émergeait du sable brûlant et semblait scruter le désert infini de ses yeux creux et évidés. 

L'aigle se demanda alors comment cette pauvre bête avait pu périr lorsqu'il aperçut un serpent vert qui rampait tout droit dans sa direction.  

Comme le soleil l’éblouissait, il gardait ses minuscules yeux fermés et léchait avidement l'air chaud avec sa langue pour sentir l'intrus qui avait osé pénétrer dans son royaume de serpents. Lorsqu’il arriva à proximité du crâne, il rouvrit ses yeux noirs et regarda l’aigle si fixement que l’oiseau en eut le cœur pétrifié.  Un vent fantomatique siffla soudain au-dessus des dunes phosphorescentes, faisant tourbillonner le sable et le transformer en gigantesques toupies déchaînées.  Tout à coup la nuit tomba d’un seul coup, une ombre de plomb recouvrit le désert, ouvrant ses griffes sinistres et menaçantes.  

"Que cherche l'aigle blanc et couronné de lumière dans le désert brûlant et ténébreux, au royaume des morts et du serpent vert. Pourquoi ne plane-t-il pas léger comme une plume au-dessus des éphémères nuages ?  Ou bien, ami céleste ailé, un mauvais sort t’aurait-il jeté à terre et t’aurait fait mordre la poussière ?" siffla le serpent en transperçant l'aigle à nouveau d'un regard à nouveau si glacial qu'une douleur aiguë lui fendit le cœur. Mais il ne trébucha pas et répondit promptement et d’une voix impassible au serpent : 

"Je voulais te voir, toi le corrupteur et faussaire de vérité dont le venin vert est mortel, même pour l'aigle royal ». 

"Depuis quand alors les aigles blancs s’aventurent-ils dans le morne désert, au milieu du royaume du serpent maudit ?", siffla-t-il en ouvrant sa gueule de manière à ce que le rapace pût voir ses longs crocs empoisonnés.  

"C'est peut-être pour découvrir un grand trésor inconnu que les aigles intrépides se rendent dans le désert décharné mais rempli de vagues souvenirs et de mémoires mortes », répondit l'aigle en suivant attentivement chaque mouvement du serpent, dont la robe vert émeraude frémit et frissonna de manière de plus en plus menaçante et résonna étrangement dans l’épaisseur de la nuit.   

"Comme ce buffle insolent qui a osé venir jusqu’à moi, tu t'es aventuré également un trop loin dans ce désert sans issue", siffla de nouveau le serpent et il tenta de le mordre d'un coup mortel. Mais l’aigle eut juste le temps de l'éviter et de lui asséner un coup de bec bien placé sur la tête. 

Le serpent se tordit de douleur dans le sable. 

"C'était vraiment stupide de ta part, alors que je voulais enterrer la hache de guerre avec toi dans les sables mouvants de ton désert. Tu sous-estimes la clémence du ciel, qui te pardonnera un jour, si ce n'est déjà fait, sinon il ne s'appellerait pas lumière de grâce », dit l'aigle, dont le plumage brillait de nouveau dans toute son immaculée splendeur et semblait blanchir même la nuit alentour. 

"Laisse tomber tes discours stupides et tes sentences omniscientes, cette litanie pieuse que personne sur terre n'écoute plus depuis bien longtemps. Adresse au ciel ton babillage monotone et ta sagesse condescendante, mais ici, dans la banlieue de l'enfer abyssal, dans le désert impitoyable et cruel, protégé et surveillé par la terrible Mère des ténèbres et empoisonné par son incurable mélancolie, tes prêches sont vains et superflus comme ton flot enchanteur de paroles creuses et insipides qui se délite en un clin d’œil avant même de sortir de ton bec tordu. Même toi, messager ailé et immaculé, envoyé de je ne sais quelle déité, je ne te crois pas. Tu n'es qu'une nième impuissance devant la mort toute-puissante, un mirage pâle et défloré , une goutte d'eau infime sur la pierre lisse et incandescente chauffée par le feu omniprésent de l’enfer, et je serai banni tant que mon poison jaillira de la pointe de mes dents étincelantes et de l’épine de ma morsure mortelle et éternels et bien cachés sont les antres  qui le stockent en moi  et le produisent malgré moi », proféra le serpent en se cabrant une fois de plus, énorme, redoutable et fatal devant l'aigle. 

"Tu sembles également avoir oublié à cause de ta malice incorrigible et   de ton verbiage inépuisable de sarcasmes et de persiflages empoisonnés que ton poison mortel peut aussi avoir l’effet contraire ! Guérir ! " s'exclama l’aigle en déployant d'un coup toute sa robe de plumes blanches au-dessus du désert. Il grandit de manière si impressionnante que le serpent fut profondément effrayé par sa vraie taille divine, et un éclair s’abattit sur lui lorsque l'aigle lui trancha la tête et l’engloutit à la volée. 

L'autre partie du serpent frissonna encore dans le sable, perdit lentement sa couleur verdâtre et vénéneuse, avant de devenir vitreuse, de se briser en deux et finalement se réduire en particules de sable très fines que le vent tourbillonnant emporta sans tarder au fin fond du Sahara. L'aigle atteignit déjà l'équateur et une forêt dense s'ouvrait sous lui, une place plutôt accueillante pensa-t-il. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CINQUIÈME PIERRE. TOPAZE. JAUNE. 

Jaune comme la peau du lion dont parle cette pierre miraculeuse. 

L'aigle quitta finalement la forêt après s’y être reposé plusieurs jours. Il atteignit bientôt une vaste steppe où, çà et là, un buisson ou un arbre sortait sporadiquement de la terre brûlée. Il se posa sur un baobab qui l’accueillit de bon gré. 

Son regard se dirigea alors d'une haute montagne qui portait un léger bandeau de neige à un groupe de zèbres paissant paisiblement dans la steppe, puis à un lit de rivière étroit et presque asséché, avant d'être captivé par le soleil couchant qui embrasait encore une fois la steppe d'un rouge orangé profond.  Et l'aigle loua l'astre du jour qui jetait ses derniers feux sur la steppe rougeoyante, jusqu'à ce qu'il disparaisse complètement derrière l'horizon. Les premières étoiles commencèrent déjà à briller au firmament. Il ne vit plus qu'une paire d'yeux jaunes et curieux qui jaillit un court instant devant lui avant de disparaître aussitôt dans l'obscurité lorsqu'il ferma ses paupières et s'abandonna au sommeil.  

Le lendemain matin l'aigle vola aussitôt vers la rivière afin d'étancher sa soif. Tous les animaux s'imprégnaient du précieux liquide et étanchaient leur soif avant que le soleil du midi ne transforme la steppe en un four incandescent.  Mais lorsque les animaux virent que l'aigle aux ses ailes aussi blanches et lumineuses que les neiges éternelles du Kilimandjaro sacré, s'approcher de l'abreuvoir, ils s'enfuirent pris de panique dans toutes les directions.  

L'aigle s'étonna de leur réaction et de cette peur incompréhensible et bien que sa soif fût aussi rapidement étanchée, son cœur continuait à avoir soif de trouver une réponse à l'attitude craintive et énigmatique des animaux.  

Dans son dos un rugissement lugubre le fit sursauter.  

C’était un énorme lion qui s'était approché de l'abreuvoir. Il voulait savoir quel animal possédait comme lui le pouvoir absolu, d'effrayer tous les animaux au point de les faire fuir à sa seule apparition. Le lion s’approcha de l'aigle et l’inspecta d’un air altier sinon condescendant. Quand le long examen silencieux fut apparemment terminé le lion grogna, ouvrant grande sa gueule découvrant ses puissantes dents de carnivore :  "Qu'est-ce qui t'amène, ô oiseau inconnu, dans mon royaume pacifique ? Et pourquoi oses-tu effrayer mes pauvres sujets qui sont tous sans exception sous ma protection entière ? T’ont fait un mal quelconque dont j’ignore malheureusement la gravité ? Alors fais-le moi savoir, s'il te plaît, afin que je puisse punir les coupables ! ». 

"Si tes sujets ont quitté la steppe avec tant de hâte, je ne peux m'empêcher de demander à Votre Altesse pourquoi ils sont devenus si craintifs ? On dit que tu es le roi des animaux. Ta renommée et ton rugissement sont parvenus jusqu'à mes oreilles dans la haute montagne, alors j'ai voulu non seulement entendre ce rugissement de mes propres oreilles, mais aussi découvrir de mes propres yeux ta renommée universelle », répondit l'aigle. Ainsi le lion, flatté par les paroles de l'oiseau blanc, se mit à rugir une nouvelle fois si fort que la terre trembla sous l'aigle.  

"Et l'on prétend que tu es le roi des montagnes que le battement de tes ailes est encore plus silencieux que le bond d'un chat qui attrape la souris », dit le lion lorsqu'il estima avoir suffisamment intimidé l'aigle par son rugissement. "Mais écoute, lion prétentieux déchu de sa gloire et de sa royauté ! Je suis descendu des hautes montagnes jusqu'à toi, dans la steppe, non seulement pour entendre tes bruyants rugissements, mais aussi pour te destituer de ton trône et t’enlever la couronne dont tu as abusé sans cesse par le passé ! " Le lion blêmit lorsqu’il entendit les paroles de l’aigle, il secoua violemment sa crinière en signe de désapprobation. 

« Instigateur de peur ! Tu es né pour être le roi des animaux et promu sur son trône afin d’être le juste défenseur et administrateur de leurs droits, tu étais destiné à être leur guide et leur refuge dans la détresse ou la souffrance, et le pouvoir dont tu as hérité avait dû refléter et incarner la sainteté et la majesté dont tu fus l’usufruitier. Mais en abusant de ton pouvoir, tu as trahi la volonté céleste de manière ostentatoire et illicite ! C'est pourquoi aujourd'hui est ton dernier jour royal, ô lion déchu !"  À peine l’aigle avait-il fini son discours que le lion pris de panique s’apprêta à le déchirer en mille morceaux. 

Une mer de lave monta inexorablement en lui, inonda et enflamma ses muscles, de sa fourrure jaillirent mille étincelles et ses yeux s'embrasèrent d'un feu terrible. Mais l'aigle par prescience avait déjà ouvert son bec si grand que le lion, dans sa rage aveugle, sauta dans l’orifice béant et fut instantanément dévoré. 

L'aigle retourna vers à la rivière pour annoncer aux animaux qui s’y étaient rassemblés de nouveau qu’il n’y avait plus de roi et qu’à partir de ce jour ils seraient leur propre guide et maître. 

Il se dirigea ensuite vers l'est, vers le soleil levant dont les premiers rayons timides commençaient déjà à dorer le ciel du matin. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SIXIÈME PIERRE. GRANIT. GRIS. 

Gris comme l'éléphant dont parle cette pierre miraculeuse. 

Comme la nuit s’annonça à nouveau sans lune et sans étoiles, l’aigle chercha un refuge où il put se reposer sans être dérangé et trouva finalement une grotte dans laquelle il put se cacher, il avait soudain peur et il ne savait pas pourquoi. Il dut lutter encore longtemps contre cette peur inconnue avant que le sommeil ne le prenne enfin dans ses bras et qu'il commença à rêver de ses parents. Le lendemain matin, un vent froid et cinglant soufflait dans les couloirs de la grotte. L'aigle se réveilla et constata avec une profonde inquiétude que sa peur ne l’avait toujours pas quitté ! 

Au moment où il sortit malgré lui de la grotte, il comprit vite l'origine de cette peur inexplicable. Au lointain, à l'horizon sud, un ouragan gigantesque s’amoncelait se préparant à l’assaut. Il semblait receler et concentrer en lui tous les maux dans son épais manteau.  

L’aigle se souvint douloureusement de ses parents qui avaient péri dans une de ces tempêtes funestes. Alors il jura de se venger sans délai, et cette soif de vengeance assombrit de plus en plus sa noble âme comme les nuages au-dessus de lui assombrissaient progressivement l’horizon. 

Plus le ciel se chargeait de nuages noirs, plus l’ouragan gagnait en force, plus ce sentiment de vengeance grandissait en l’aigle et le projetait sans qu’il y réfléchît tout droit à sa mort et déchéance.  

Il s’approcha déjà dangereusement de l'œil de l’ouragan qu’il voulut arracher et jeter à terre.  

Mais ses ailes eurent beau lutter contre les vents déchainés, les arbres se plièrent et se brisèrent avec fracas et gémissement et tout ce qui ne put pas s'accrocher à la terre fut immédiatement emporté comme une feuille morte.  L'aigle, taraudé et tiraillé par sa soif de vengeance, continua à se battre contre tous les vents, quand il sentit soudain quelque chose s'enrouler autour de ses pattes et le tirer brusquement vers le sol.   C’était l’énorme trompe d'un éléphant qui réussit ainsi à capturer l'aigle, il gît désormais à ses pieds tout ébouriffé et déplumé.  

Lorsque l'aigle reconnut l'éléphant géant dans un dernier éclair de lucidité, il perdit aussitôt conscience et tomba dans une profonde syncope.  

Un groupe d'éléphants surgit et se rassembla sur-le-champ autour de l'aigle et formait un cercle dense et impénétrable afin de le protéger de l'ouragan furieux qui se jetait en vain contre leurs corps massifs et inflexibles pour ravir le trésor qu'ils cachaient au centre de leur cercle.  

Lorsque l'aigle se réveilla de sa torpeur il eut la bonne surprise de se découvrir dans la grotte où il avait déjà passé la nuit précédente, et sous son plumage soigneusement nettoyé et lissé, il aperçut une haute pile d'herbe sur laquelle on l'avait soigneusement couché. 

"Qui a fait tout cela pour moi ? Que s'est-il passé ? "se demanda l'aigle en quittant la grotte pour trouver peut-être une réponse à ses questions.  

Alors tout lui revint en mémoire lorsqu'il vit plusieurs éléphants brouter paisiblement près à l'entrée de la grotte, il frissonna de tout son corps car il comprit enfin le danger mortel auquel il s’était exposé la veille. 

Pendant ce temps un éléphant se détacha du groupe et se dirigea vers l'aigle d'un pas lent et mesuré. 

Comment puis-je vous remercier tous ? murmura l'aigle. "Nous croyions déjà que tu ne te réveillerais plus de ton traumatisme. Nous autres éléphants nous n’ignorions point ce qui t'avait poussé à défier l'œil du mal, mais je te le dis, et sache-le pour l'éternité, il a peut-être arraché les plumes de tes parents, mais il n’a jamais pu toucher à leurs nobles âmes qui, depuis sans que tu le saches, te conseillent, te protègent et t'aident sans relâche à devenir un jour un véritable aigle !  

Je t'ordonne maintenant de recevoir ma sagesse d'éléphant, qui te protégera de tout autre futur danger. Mais je te prédis, et garde le bien dans ta mémoire, que je pèserai lourdement en toi et que je réclamerai chaque jour la meilleure part de toi !"… 

Les sages n'eurent soudain plus la force de continuer à regarder dans le cœur du granit, car il leur était pratiquement impossible de jeter un dernier coup d'œil dans la gueule béante de l'aigle qui tentait désespérément et avec toutes les peines du monde de dévorer l'éléphant. Après plusieurs tentatives il y réussit finalement comme le fit savoir in extremis le granit en se fermant. 

 

 

 

SEPTIÈME ET DERNIÈRE PIERRE.QUARTZ. INCOLORE 

Incolore comme les ailes de la libellule dont parle cette dernière pierre miraculeuse. 

Depuis longtemps l'aigle avait quitté le continent noir pour retourner dans les montagnes, où il passa le reste de sa vie et où il put accumuler beaucoup de sagesse et de force.  

Mais il lui semblait manquer encore de quelque chose, et ce manque le rongea manifestement.  

C’est pourquoi il décida un jour reprendre le bâton de pèlerin qui le porterait cette fois non loin de chez lui, vers les vallées fertiles. 

Voyant que tout allait pour le mieux il quitta son refuge et fit ses adieux à la montagne en survolant chaque sommet et laissa tomber sur chacun d'eux une larme qui devait plus tard donner naissance à de grandes fleurs miraculeuses. Aujourd'hui encore elles saluent tous les pèlerins se rendent au sommet de cette fabuleuse montagne. 

L'aigle prit finalement congé et atteignit bientôt les vallées où il comptait s'installer.   Une source clapotait joyeusement à ses pieds un arc-en-ciel se formait glorieusement dans le ciel alors qu'il refermait ses ailes, désormais si blanches et immaculées qu’elles brillaient dans la nuit comme un amas d’étoiles sur la terre. 

Tout à coup, l'aigle remarqua une libellule qui volait de plante en plante et de fleur en fleur devant ses yeux émerveillés. Elle se déplaçait avec une telle légèreté et rapidité que l'aigle éprouvait pour elle un profond respect, mais il fut encore plus profondément touché lorsqu’il découvrit toute la délicatesse de ses ailes finement ciselées et tissées de lumière. 

"Je pèse encore beaucoup trop lourdement, même si mes ailes me portent sans effort vers des hauteurs vertigineuses. C'est mon moi qui souffre du poids des souvenirs et de la sagesse. Je les jetterai désormais loin de moi, car je le sais au plus profond de mon âme, qu’elles ne me serviront plus. », s’avoua l'aigle et il avala la libellule qui avait déjà été sa première nourriture dès les premiers jours de sa vie. 

Ainsi le cercle s'était définitivement refermé sur l'aigle.  

Il resta encore sept jours et sept nuits dans la vallée lorsque, dans la clarté palpitante d'une nuit étoilée, il déploya ses ailes pour la dernière fois et disparut dans son immensité. C'est ici que se termine le récit du quartz et le récit des sept pierres philosophales. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LA FILLE DE L’ÉLYSÉE

 

  

  

  

  

 

 

 

 

 

 

 

  

Des siècles passèrent sans qu'un être vivant sur la terre ne réussît à délivrer celle qui portait la flamme rédemptrice dans le tabernacle de son cœur, le feu divin ayant le pouvoir de faire descendre l'Amour universel dans l'âme désertée des hommes et y instaurer en même temps un nouvel âge d'or. Au contraire, la fille de l'Élysée, le feu rose des aurores du soleil levant, était devenue pour le commun des mortels soit une vulgaire fille de joie traînant dans la pénombre des rues éclairées par une lune blafarde soit une princesse lointaine et languissante qui attendait près d'un phare en ruines le bateau royal à l'horizon qui ne venait jamais. Alors Zeus, Dieu suprême de l'Olympe, décida d'envoyer son propre fils pour reconquérir sa fille que Pluton avait arraché jadis de son front et enchaîné brutalement dans l'enfer. Son fils alors fit l'holocauste de son statut de dieu en quittant ses ailes blanches et duveteuses pour la peau aride et sèche des hommes d'alors et partit à la recherche de celle qui était à la fois la fille de son père et son âme sœur.

D'abord il se maria avec Déméter avec laquelle il eut trois enfants, les trois grâces qui étaient respectivement l'incarnation de l'amour, de la joie et de la beauté brillant de tout leur éclat. Mais il savait bien que sa quête n'était point terminée qu'il lui manquait toujours douloureusement cette dernière clef, le droit prolongement de son épouse comme la lune est le droit prolongement de la terre qui seule avait le pouvoir d'ouvrir la dernière porte.

Un jour, immanquablement, écrit depuis des millénaires dans la joie du feu des étoiles, par la même vibration du cœur, il reconnut la fille de Jupiter, brisa les portes de l'enfer et y entra pour la délivrer. Mais c'était mal connaître Pluton, le Dieu des Enfers, qui n'était évidemment pas du même avis et qui s'acharnait à lui envoyer mille embûches et obstacles pour empêcher jusqu'au dernier moment la réussite de sa quête. Mais le fils de Zeus défia courageusement tous les obstacles et arriva enfin devant elle, lui tendit sa main angélique afin de la reconduire vers son pays natal, les Champs Élysées. Mais malheur ! Un dernier obstacle surgit et anéantit toute certitude de la victoire finale tant espérée.

C'est elle, sa propre sœur qui ne le reconnut pas ! Elle refusa même de le suivre car son cœur était las de tous les torts et malheurs que les hommes lui avaient infligés et même en lui elle ne voyait que la suite illusoire et tragique d'un autre prétendant qui ne pouvait pas la libérer. Elle ne voyait, hélas, que sa forme humaine et extérieure. 

Consterné par son refus qui a failli lui coûter la vie et par la magie subtile de l'enfer qui fait toujours dire à la raison de l'homme" non " quand son cœur veut dire "oui", il voulut déjà s'en retourner, lors que, par un dernier acte de volonté, il implora son père de lui venir en aide. Alors Zeus lui-même descendit de son trône en prenant la forme d'un aigle royale et lança sa foudre dans l'obscurité environnante jusqu'aux entrailles de la terre. Eurêka ! Un chant formidable se leva brusquement, une joie indicible versa son feu dévorant dans le cœur de Perséphoné. Les yeux dessillés, la magie millénaire tombée, elle reconnut enfin celui-ci qui était venu la délivrer en prenant tous les obstacles et dangers mortels sur lui. 

Et elle lui dit : " O toi, mon doux frère et maître, toi qui as toujours porté le feu immortel et sacré dans le tréfonds de ton être sans jamais le trahir, toi qui as porté toutes les affres et angoisses sans te décourager, toi qui as affronté l'enfer sans tomber et la mort sans mourir, à partir d'aujourd'hui c'est moi qui te porterai sans jamais défaillir."

Alors elle prit son frère olympien sur son dos, mais celui-ci et afin que la charge ne fût pas trop lourde pour sa sœur bienaimée, se transforma en un tout petit enfant et si léger comme les bordures roses d'un nuage saluant le lever de soleil vers lequel les deux enfants de Jupiter se dirigèrent dorénavant. Ce fut le début de l'âge d'or sur terre. Une fois la fille de l'Élysée sauvée, toutes les autres créatures pouvaient être sauvées, car dans chaque cœur est caché l'étincelle divine qui est appelé à rejoindre tôt ou tard le foyer incandescent de l'Amour et la terre reconnaîtra en même temps sa vraie destination qui est le soleil étant à la fois son père, son fils, son frère et son époux. C'est comme une corde d'un instrument qui d'abord fait vibrer par sympathie une autre corde puis une deuxième corde, puis une troisième corde jusqu'à ce que toutes les cordes vibrent à l'unisson dans le concert infini et intarissable de l'univers…

 

 

 

 

 

 

 

 

POÉSIES

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

  

 

L'HEURE BLEUE

 

Bleu le soleil se couche. Bleu la mer se meut et touche le feu sacré, le bleu nacré. Et l'homme en qui le dieu se couche et meut est né sur toute la ligne de l'horizon en feu.

  

L'AMOUR

 

L’amour.

C'est l'or de la lumière, 

l'amour. 

C'est l'harmonie de l'univers, 

l'amour. 

Le premier baiser qui fait éclore la fleur, l'amour. 

Le sourire céleste enfin 

sur ton visage divin 

de l'illumination indélébile de ton cœur.

L'Amour.

 

AU CLAIR DE LUNE

 

Des doigts de fée

minces et argentés 

tirent les harmonies dorées du ciel. 

C'est la féerique lumière, 

la lune douce laitière, 

qui, aujourd'hui, s'est mariée

 à l'or de la lumière. 

Et l'anneau nuptial qu'elle porte 

en signe de lilial hyménée 

est l'archet des ductiles harmonies 

où brille, à travers les symphonies de l'univers 

en illuminant la terre entière, 

l'or translucide du divin soleil 

comme une goutte brûlante de suprême miel.

  

 

 

 

 

 

 FETE AUTOMNALE

 

Une feuille tombe doucement sur la terre.

 

C'est l'automne.

 

Un vent léger ploie les fleurs et ravit leurs vêtements.

 

C'est l'automne.

 

Le soleil bas dorénavant ne donne plus de chaleur.

 

C'est l'automne.

 

La feuille et la fleur se gorgent du dernier rayon long.

 

C'est l'automne.

 

Et elles s'en vont à la fois tristes et éclatantes.

 

C'est l'automne.

 

La vie exaltée qui marche à son enterrement.

 

 L'AZUR

 

Les nuages passent et passent, 

o sublimes chimères 

qui broutent sur leur passage 

l'azur chaste et d'outremer.

 

Un vent les chasse 

et les défeuille 

dans l'azur vaste, 

vivant cercueil.

 

Tes yeux sont bleus 

à ne voir que l'azur, 

l'abîme et l'auguste cime 

de nos plus profondes douleurs.

 

Heureux donc je dis 

qui caresse une chimère 

et fait pousser des nuages 

qui glanent les fruits d'azur.

 

Ainsi atteint-on

à la gloire du soleil d'outremer 

et le vent qui encore nous chasse

 nous éclaircira ailleurs!

  

 

 

L'ENFER DES POÈTES

 

Le soleil est un cadavre qu'engloutit la mer dans une étreinte macabre qui inonde de sang la terre.

 

Là où le ciel se marbre d'un réseau infini de couleurs où les vagues déferlent sur les sables, là mourut la lumière.

 

Tristesse des sables qui chantent désormais l'amour sanguinaire de la terre voluptueuse et marâtre avec le ciel chaste et débonnaire.

 

Pourtant le feu in extremis a râlé une étincelle diamantine par la grâce vivifiante d'Artémis pour imaginer une nouvelle héroïne.

 

C'est Vénus, le Berger, l'étoile du soir qui, en brillant sur l'amour avorté, pareil à la chair dédorée de l'ostensoir n'évoque en rien la gloire du macchabée.

 

C'est pourquoi, ô poète, gare à ton agonie, sonde ailleurs de mourants havres, parce qu'à force de créer de riches désharmonies, le cœur ne cueille que de pauvres cadavres.

  

CHANT D'UN ANGE DÉCHU

Au recoin le plus sombre de l'univers vibre encore une parcelle de lumière. Pourquoi donc Dieu, ineffable grandeur, n'est-il que ténèbres dans l'éclat de mon cœur? Soleil et lune, astrales merveilles, illuminent le monde, mon cœur reste noir, à jamais pareil. Noir comme fut le néant avant le premier jour qui ne comprît point la naissance des soleils alentour. Aveuglé, mais omnipotent,

il se retînt pour prendre naissance dans mon cœur diamantin. Ce cœur qui à la fois sait et ignore, est devenu l'abîme de sa propre lumière. Ainsi qu'un rayon d'or en sombrant dans sa peine, peu à peu perd-il le savoir qu'il est l'or suprême.

  

LE NÉGRILLON

Soudain au milieu d'obscures pâleurs, jaillit une étrange, incompréhensible lumière.

 

Le hâle de sa peau, son regard majestueux, tout en lui est de l'or et il marche comme un dieu.

 

La gloire de ses perles; sa bouche, fruit du grenadier, est mûre telle une pomme qui éclate dans un panier.

 

Son front silencieux, merveille de riches profondeurs, se meut astralement parmi d'ineffables splendeurs.

 

Son rire lumineux, ses narines qui hument l'air, rafraîchissent notre vie et épurent l'atmosphère.

 

Et entre ses sourcils, vierges de tout malheur, repose, ornement rare, reflet d'un indicible bonheur, le diamant noir, trésor de la plus haute antiquité, l'incarnation vivante du soleil au cœur de nos pâles obscurités!

 

PERCEVAL

Que la nuit est profonde et profondes sont ses mystères, que la lune est belle et ronde telle la table d'émeraude d'Arthur.

 

J'ai cherché nuit et jour pour percer le mystère, j'ai affronté mille morts, je fus seul avec mon meurtrier.

 

Dans la forêt sombre, j'errai par ci par là,

projetant mon ombre dans l'Apsou de l'Au-delà.

 

Las de survivre à mes désespoirs cruels, je me noyais dans mon cœur ivre de mensonges sempiternels.

 

Je rôdais, bête féroce qui dévorait sa propre chair, hanté par la démence et le poison puant de mon cœur.

 

Astre froid, âme vagabonde, je pleurais avec les spectres sépulcraux des bois quand soudain, dans les ténèbres moribondes, j'entendis cette divine voix :

 

 

"Cesse de vouloir connaître le fin fond de l'abîme, apprends à renaître

et à mourir à toi-même."

 

J'ai cherché nuits et jours pour percer mon mystère, à l'aube du millième jour j'installai mon éternelle demeure.

 

Que la nuit est profonde et profondes sont ses mystères, que la lune est belle et ronde, Avé Lucifer !

  

 NOVEMBRE

 

Gris sur gris comme s'il n'est d'autre monde où la couleur ne pût vêtir une autre couleur pour chasser la tristesse, hélas partout féconde engendrant des monstres dans nos cœurs déserts.

 

Les arbres d'ores et déjà sont en deuil, squelettiques et hagards, ils balancent leurs branches, une rafale glaciale ravit les dernières feuilles et les jette ou dans la bourbe ou dans la fange.

 

Est-il matin ? Est-il soir ? Personne ne saurait le dire, le temps même nous nargue jusqu'au désespoir en mêlant confusément nos larmes aux rires.

 

Où aller donc ? Et où périr ? Plutôt ailleurs que dans ce port spectral où les morts ressuscitent et les vivants se meurent où tout semble baigner dans une lumière sépulcrale.

 

Hélas ! Il n'est plus d'immortel espoir !

Le soleil blafard a sombré dans la brume.

Regarde une dernière fois la courte blancheur des mouchoirs avant qu'ils ne soient corrompus par le rhume !

  

 

 

LA POÉSIE RÉVOLTÉE

 

Je suis la rosée des arbres qui se cabrent, les vents solaires balayant les terrains, je suis le suc des fruits qui en s'entrechoquant, crachent convulsivement l'or pur des pépins.

 

Je suis l'âme nucléaire qui fait trembler la terre, qui renverse les astres et troue le ciel, je suis l'accalmie qui après ce désastre répand le miel lénifiant sur ses crimes cruels.

 

Je suis le cri flamboyant qui vibre à travers la braise des cendres qui illuminent ma renaissance mortellement ivre en cette polyphonie radieuse et sublime :

 

"Vogue la galère car je suis libre! Gagnons vite après la chute de nos astres en perçant les feux torrentiels et brûlants des givres, le vide sacro-saint de nos cimes terribles!

  

 

 

 

 

 

MYSTERE

 

O joyaux enchanteurs! 

Les étoiles au firmament

 brillent comme des diamants.

O joyau dans mon cœur!

 

QU'EST-CE QU'UNE ÉTOILE?

 

C'est un arbre à cinq ou plusieurs branches 

où se reposent après leurs enchantements 

les harpes et les flûtes des anges.

 

 

QU'EST-CE QU'UN ANGE?

 

C'est un oiseau irrésistiblement beau 

dont les ailes en se déployant 

frappent l'azur de longs et purs échos.

 

 CONTEMPLATION

 

Regarde comme les choses 

sont pleines et tranquilles 

et se transforment incessamment 

en une chose rose et inutile.